SAHEL: BAMAKO: les défis et limites au menu d’un colloque régional sur la justice contre les crimes terroristes

Écrit par Alassane Cissé

L’hôtel Salam a abrité ce mercredi 30 juin 2021 le colloque régional sur la judiciarisation de la lutte contre le terrorisme au sahel sous le thème : « La judiciarisation de la lutte contre le terrorisme : défis et enjeux » .Le thème central de ce colloque régional, premier du genre dans la sous-région, organisé par le Bureau Régional Etat de droit de la Fondation Konrad Adenauer, en partenariat avec Timbuktu Institute.

Les travaux d’ouverture de la cérémonie étaient présidés par le Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme Mahamadou Kassogué, en présence de Bakary Sambe, directeur du Timbuktu Institute (bureaux sahel et Mali), Ingo Badoreck, directeur régional du bureau d’État de Droit de la fondation Konrad Adenauer et ainsi que plusieurs participants.

Il faut d’abord reconnaitre que l’objectif de ce colloque régional est de créer un cadre d’échanges pour exposer et comprendre les véritables défis et limites qui freinent les efforts de judiciarisation de la lutte contre le terrorisme dans la perspective d’une meilleure harmonisation des cadres légaux et des stratégies prenant en compte aussi bien les impératifs sécuritaires que le respect des droits humains ».

D’après le comité d’organisation, ce premier Colloque régional vient en son heure, avec « l’urgence de judiciarisation de la lutte antiterroriste qui a plongé́ les praticiens du droit dans une situation de réadaptation continue alors que, pour beaucoup de pays, les dispositions encadrant la lutte contre le terrorisme sont loin d’être fixées.

Dans son intervention, le directeur de Timbuktu Institute, Dr Bakary Sambe a d’abord rappelé que ce colloque régional vient en son heure, avec « l’urgence de judiciarisation de la lutte antiterroriste qui a plongé́ les praticiens du droit dans une situation de réadaptation continue alors que, pour beaucoup de pays, les dispositions encadrant la lutte contre le terrorisme sont loin d’être fixées. Selon Bakary Sambe, « dans l’un ou l’autre des cas, la justice qui a un rôle incontournable à jouer dans cette lutte, se trouve quelques fois confrontée à des difficultés d’ordre conceptuel, de compréhension des enjeux mais surtout d’interaction entre la chaîne pénale et d’autres acteurs dont, principalement, les défenseurs des droits humains ».

Il a remercié la présence des experts à ce colloque, notamment le Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme Mahamadou Kassogué pour l’accompagnement des autorités dans la lutte contre le terrorisme au sahel.

Quant au directeur régional du Programme pour la Promotion de l’État de droit en Afrique Subsaharienne de la Fondation Konrad Adenauer, Monsieur Ingo Badoreck se félicite de ce colloque portant sur  » la judiciarisation de la lutte contre le terrorisme au sahel : défis et limites ».

Ce colloque régional qui se tient à Bamako, au Mali, coïncide avec l’ouverture du de Timbuktu Institute qui élargit encore ses bases en Afrique de l’Ouest et au sahel. Il a signalé que sa fondation collabore avec l’équipe de Timbuktu Institute depuis l’ouverture de leur bureau sur les questions sécuritaires au sahel. Il a remercié Dr Bakary Sambé et l’ensemble de son équipe pour l’excellente collaboration. Il dira que le Programme pour la Promotion de l’État de droit en Afrique Subsaharienne de la Fondation Konrad Adenauer intervient dans plus de vingt (20) pays d’Afrique subsaharienne francophone. Il vise à renforcer l’État de droit dans ces pays, aux niveaux régional et continental.

Ils coopérent avec l’ensemble des acteurs qui interviennent dans ce domaine tels que : les institutions, la société civile, les praticiens du droit ou encore les universitaires. Pour atteindre leurs objectifs, ils apportent un appui technique et financier aux organisations pour la tenue des séminaires, des colloques, des formations et des publications dans diverses thématiques. En ce qui concerne le thème du colloque, il a rappelé que les pays du sahel font face à une violence grandissante depuis quelques années. Le nombre de victimes augmente sans cesse, accompagné de son lot de conséquences désastreuses. Selon le rapport du bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel (UNOWAS), le nombre devictimes a été multiplié par cinq entre 2016 et 2019. Les évènements récents de ce mois de juin 2021, confirme malheureusement cette thèse.

La région du sahel vit une situation sécuritaire extrêmement fragile. Ce cycle de violence gagne de plus en plus de terrain. À la suite de ces différentes menaces, tous les pays de l’Afrique de l’Ouest et du sahel ne sont plus à l’abris à cause de la professionnalisation des groupes djihadistes, de leurs capacités de frappe et surtout de l’absence des politiques publiques viables dans certaines zones. Cette  » nouvelle donne » presque inconnue des États soulèvent plus leurs interrogations parmi lesquelles la judiciarisation de la lutte contre le terrorisme. Autrement dit, comment recourir à des solutions judiciaires pour lutter plus efficacement avec intelligence contre le terrorisme au sahel ? La lutte contre le terrorisme est généralement axée sur la répression presque partout à travers le monde au détriment de la prévention et du jugement des auteurs auprès des cours et tribunaux. Selon le rapport sur la problématique du respect des normes internationales des droits de l’homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme au Mali de l’institut d’études et de sécurité : » Il y’a une prévalence de l’approche militaire dans le contexte de lutte contre le terrorisme « .

Dans son allocution marquant l’ouverture du colloque, le Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, Mamoudou KASSOGUE se dit très honoré de présider la cérémonie d’ouverture de ce colloque régional qui se tient à un moment où notre espace, le Sahel, s’organise pour trouver les meilleures réponses au phénomène du terrorisme et de la criminalité transnationale organisée, aussi bien à travers les mécanismes nationaux, qu’à travers la coopération entre les Etats.

Perçu, au départ, comme un phénome extérieur, par ses fondements, ses origines, son organisation, son fonctionnement et ses modes opératoires, le terrorisme a fini par vite s’imposer à nos Etats au point de constituer, ces dix dernières années, un véritable goulot d’étranglement pour la sécurité, la paix et la stabilité auxquelles aspirent nos populations.

Pour le Garde des Sceaux, les attaques répétitives des forces de défense et de sécurité de nos Etats, avec leurs cortèges de pertes en vies humaines, de destructions de biens et de violations de droits de l’Homme, ont conduit, dans l’urgence, à la création de structures judiciaires spécialisées, mais aussi, à l’adoption de mesures législatives adéquates quant à la prévention et la répression de toutes les formes de manifestation du terrorisme.

C’est à ce titre que rappelle le Ministre KASSOGUE, le Mali, à l’instar des autres pays du Sahel, s’est doté d’un Pôle Judiciaire Spécialisé de lutte contre le Terrorisme et la Criminalité Transnationale Organisée et a adopté une Loi portant répression du Terrorisme.

la thématique qui est abordée par ce colloque est d’une importance et d’une pertinence que nul ne saurait mettre en doute, pour diverses raisons.

Malgré les conséquences dramatiques et particulièrement douloureuses du terrorisme pour les populations, les Etats ne sauraient méconnaitre les règles élémentaires de respect des droits de l’Homme et de droits humanitaires dans le cadre des réponses militaires qui s’avèrent indispensables.

A cet égard, les défis à relever nous renvoient à un meilleur encadrement des opérations militaires par une formation appropriée en droits de l’Homme et en droits humanitaires, aussi bien pour le commandement que pour les éléments engagés sur le théâtre des opérations poursuit t’il. Aussi, la pratique a révélé la nécessaire présence de la prévôté, dans le dispositif militaire, afin, d’une part, de donner la force juridique aux renseignements recueillis sur le théâtre des opérations, et d’autre part, de veiller au respect des prescriptions en matière de droits de l’homme et de droits humanitaires. Cette première étape est fondamentale pour la mise en œuvre de l’action judiciaire et le meilleur aboutissement des poursuites engagées dans le strict respect de la Loi.

Le ministre de la Justice et des Droits de l’Homme a souligné avec force, que la justice, quand elle doit prendre le relai de l’action militaire, doit s’appuyer sur tous les leviers, légalement admissibles, qui favorisent le succès des procédures judiciaires.

Il a à cet égard, insisté sur la coopération des citoyens, par la dénonciation et le témoignage de même que la protection des victimes et des témoins, qui renvoient à des dispositions sécuritaires, juridiques, matérielles et financières, lesquelles ne sont pas toujours assurées pour arriver à des décisions judiciaires efficaces.

Poursuivant son intervention, il rappelle que , parler de judiciarisation de la lutte contre le terrorisme renvoie également à des conditions permettant l’efficacité des actions judiciaires en faisant allusion à la formation des personnels, notamment, le commandement militaire, les enquêteurs, les experts, les magistrats et les autres intervenants de la chaîne judiciaire.

Une meilleure réponse au terrorisme et à la criminalité transnationale organisée passe nécessairement par des professionnels spécialisés, orientés vers la maitrise des spécificités et des complexités liées au phénomène, sous toutes ses formes de manifestation. C’est dans une synergie d’actions regroupant les différents spécialistes de la question que des obstaccles peuvent être levés. Mamoudou KASSOGUE a fait un déployer, sans détours, sur l’un des points essentiels pour la judiciarisation de la lutte contre le terrorisme. Il s’agit de la coopération judiciaire internationale. Si la lutte contre le phénomène, à l’échelle d’un Etat, a des limites, en termes de moyens d’actions et de barrières frontalières, celle pouvant être engagée à l’échelle de deux ou plusieurs Etats nécessite une coopération dont les formes de manifestation évoluent au gré des intérêts, souvent en violation des règles découlant de conventions internationales.

Face à cette situation, il y a une évidence qui ne peut échapper à personne : aucune stratégie de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale ne peut prospérer sans une coopération judiciaire qui mutualise les moyens d’actions, lève les barrières frontalières, rapproche les autorités judiciaires, afin d’aboutir à une lutte coordonnée et efficace.

C’est en cela que la coopération judiciaire internationale est un élément fédérateur autour duquel devront se bâtir les stratégies nationales, mais aussi, celles des ensembles régionaux et sous régionaux. Ce colloque, à son avis, offre un cadre idéal pour lancer un vibrant appel, non seulement, pour faciliter la mise en œuvre des conventions internationales, en la matière, mais aussi de privilégier la coopération judiciaire entre les Etats à travers des mécanismes simplifiés d’adoption et de mise en œuvre.

Avant de terminer son intervention , le ministre a salué la participation, à ce colloque, des experts mauritaniens, sénégalais, burkinabés, nigériens et maliens, qui pendant, cette journée, partageront, avec les participants, leurs expériences, leurs suggestions ou leurs propositions permettrons l’atteinte des objectifs de cette rencontre , il a également félicité et remercié le Bureau Régional Etat de droit de la Fondation Konrad Adenauer pour avoir eu cette belle initiative d’organiser, dans notre pays, cet important colloque, en partenariat avec Timbuktu Institute. « Je ne doute point que les objectifs de ce colloque seront atteints, avec la qualité des experts et des participants et j’ose espérer que les résultats de cette rencontre serviront à nourrir la réflexion pour dégager les meilleures stratégies possibles afin de permettre à la justice de jouer pleinement le rôle qui est le sien dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée ».

Il faut noter qu’après l’ouverture du colloque, les experts se sont retrouvés pour échanger sur la judiciarisation de la lutte contre le terrorisme au sahel et chercher des solutions idoines pour y faire face.

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