Par Mohamed Ag AHMEDOU
« Nous prônons la préservation de la culture touarégue et contribuons au développement socio-économique des femmes et des jeunes «
Notre groupe de médias Mehari-Post et Mehari-consulting à travers son directeur général, Mohamed Ag Ahmedou a profité de son séjour en France, pour aller à la rencontre d’un jeune touareg dynamique, acteur de la transformation sociale et très sensible par rapport à la situation de sa ville natale, la région de Tombouctou.
Il s’agit de Salahoudine Ag Mohamed Alher, Président de l’Association Nomade AGNA qui veut dire culture en dialecte touareg. Salahoudine appelé Salah par ses proches et ses amis est un jeune malien poursuivant ses études en France à lyon . L’entretien était porté sur des questions qui sont entre autres : Les objectifs de son association, les activités menées.., son parcours estudiantin et professionnel, en passant par les perspectives que son association projette dans l’avenir pour sa région de Tombouctou située à 1000 km au Nord-Est de la capitale malienne, Bamako.
Interview :
Mehari-post : Présentez-vous à nos fidèles lecteurs.
Salah: Je vous remercie de m’avoir donner l’opportunité et l’occasion de vous parler de moi et de mon association. Je m’appelle Salahoudine Ag Mohamed Alher, âgé de 25 ans, je suis un jeune touareg originaire de la région de Tombouctou. Je suis le Président et fondateur de l’Association Nomade AGNA pour la promotion et la préservation de la culture touarègue. Je suis à Lyon depuis un an dans le cadre de mes études pour l’obtention d’un titre d’expert en ingénierie de développement local. Déjà Détenteur d’un Master en Management des projets et des organisations depuis 2020, je travaille dans le domaine associatif depuis 2012 avant la crise. J’ai été animateur communautaire de l’ONG Tin Hinan dans les camp de réfugiés maliens au Burkina Faso, à Doré et à Djibo. Et interprète pour des organisations américaines avant ladite crise.
Pour ce qui est de mon engagement avec l’Association Nomade AGNA, j’ai coordonné des projets de AGNA. Nos différents projets sont des sensibilisations dans le cadre de la pandémie du covid19, un projet d’appui à la réinsertion socio-économique des jeunes et femmes en partenariat avec Enda Mali.
Nous avons également bénéficié d’une subvention de l’ambassade des USA pour un projet à la réinsertion socio-économique des jeunes artisans de Tombouctou. Ce projet vise à réinserer de façon socio-professionnelle les jeunes artisans ayant subi le manque de touriste à Tombouctou.
l’Association Nomade AGNA a pour vocation d’améliorer les conditions de vie des communautés touarégues et voisines à travers une stabilité économique tout en parlant de la complexité des problèmes que ces communauté ont fait face d’abord il y a la pauvreté, les aléas climatiques incomprises et longtemps marginalisées par les acteurs de la crise.
En Europe , je me considère comme un ambassadeur de ma culture voilà pourquoi J’ai organisé une soirée culturelle à Lyon pour parler de la culture touarègue avec les acteurs sur le terrain, notamment Jade Mietton qui est une réalisatrice de documentaire sur les populations du sahara et ainsi que Nabil Othmani qui est un artiste touareg de l’Algérie.
Dans les années à venir, nous comptons mobiliser des moyens pour aider les jeunes et les femmes touaregs de Tombouctou. Nous travaillons surtout avec les anciens réfugiés parce que moi même j’étais réfugié et la majorité des membres de l’Association a aussi vécu un moment de leur vie dans les camps des réfugiés. Il est très important pour nous d’essayer de faciliter certaines choses pour ces personnes qui ont à un moment de leur vie souffert de la crise et qui ont tout perdu.
Naturellement, Nous lançons un cri de coeur à toutes les personnes de bonnes volontés à prendre d’abord conscience des activités que nous menons à Tombouctou et à nous aider pour atteindre nos objectifs. Nous remercions le Mehari-Post pour l’interêt porté à notre association pour tout ce que nous faisons. Cette interview permettra au monde extérieur d’apprendre de ce que nous faisons.
Mehari-Post : Parlant de la préservation de la culture touarègue et des nomades, expliquez nous des activités que vous avez mené dans d’autres domaines?Comment vous vous organisez ? Quelle est votre place ou celle des jeunes comme toi dans la préservation de la culture touarègue ?
Salah: Pour nous en ce qui concerne la préservation de la culture touarègue, il a été très important d’engager des actions pour la sauvegarde et la survie des anciens métiers tels que : l’embouche ( engraissement de bétails longtemps adopté par les pasteurs et bergers) la maroquinerie et l’artisanat .
La maroquinerie permet de donner une activité génératrice des revenus aux femmes et jeunes et de mettre en valeur leur savoir-faire ancestral . Aujourd’hui ils font des pochettes de téléphone, de cartable, des boîtes à bijoux, des sacs etc.
Ce sont des métiers qui datent de très longtemps et qui ont été reconnus par le monde entier avec leur vulgarisation par des artisans touaregs en Europe en Amérique et en Asie. C’est aussi un métier qui est presque disparu.
Du coup, avec l’aide de l’ambassade des USA, nous avons formé les jeunes à faire de la production locale pour s’adapter au marché local et ne pas que compter sur le marché international.
Les jeunes ont pu faire des choses qui peuvent être ou qui sont susceptibles d’être vendues au niveau local. Après nous avons aussi mis sur le site web de l’Association, une boutique qui permet de vendre les bijoux en ligne pour le marché de l’extérieur. Tout est réalisé sur financement d’une subvention de l’ambassade des États-Unis d’Amérique au Mali.
Pour nous la place des jeunes est très importante, car les jeunes sont l’avenir du pays.
Notre objectif est d’assurer une stabilité économique en milieu nomade à travers la réinsertion des jeunes dans tous les domaines socioprofessionnelles.
Mehari-Post : Vous êtes originaire de la région de Tombouctou, une ville dont la sécheresse et les changements climatiques sont une réalité quotidienne et qui ont impacté la vie des populations, entrainant ainsi de l’extrême pauvreté. Parlez- nous de ces réalités du terrain vu que vous êtes fraîchement rentré de vos vacances de Tombouctou où venez de passer 2 mois là-bas
En tant qu’étudiant vivant en France depuis une année quel bilan faites-vous de vos réalisations à Tombouctou et ici en Europe ? Comment vous joignez les choses à partir d’ici vu que vous êtes un entrepreneur local de cette zone ?
Salah: Il ya un certain contraste très difficile à expliquer dans ces deux zones. Depuis que je suis arrivé ici, il ya une certaines diversité culturelle que j’ai vue. La vie en Europe et celle de chez moi ne sont pas les mêmes. L’accompagnement qui est offert aux jeunes ici est différent de celui de chez moi. Donc il est très difficile d’être un entrepreneur à Tombouctou, parce que non seulement les opportunités sont difficiles à saisir ou à obtenir et qu’il y a un lobbying local et que tel n’est pas le cas ici en France.
Les jeunes sont suivis très jeunes et soutenues dans leurs initiatives, à Tombouctou, on a tendance à décourager les jeunes et à les intimider pour qu’ils abandonnent leurs rêves.
Par rapport à la sécheresse, je suis parti à Tombouctou en Juin 2022 et les deux mois passés la bas m’ont permis de vivre une certaine difficulté digne d’effet de changement climatique.
Il y’ avait des vents de sable rouges
qu’on n’avait jamais vu à Tombouctou. Nous avons vécu cela durant trois semaines. Je l’ai même publié sur les réseaux sociaux pour montrer qu’on est très affecté par ce changement climatique et la sécheresse.
Dans les zones les plus éloignées de Tombouctou, on a été informé que certaines personnes ont perdu leurs animaux à cause de cette sécheresse. Il y’avait une pénurie d’eau qui a provoqué la mort et la fuite de certains animaux.
Mehari-Post : Pouvez-vous nous citer quelques villages ou zones qui ont subi des situations catastrophiques agro-pastorales ? Expliquez nous les situations difficiles dans lesquelles les populations de ces zones vivent ?
- Ce sont des zones qui traversent beaucoup de difficultés. Je connais mon village « Indala » à 80 km au Nord-Est de Tombouctou. Les gens du village sont venus nous rapporter des informations que leurs animaux ont été décimés et qu’ils ont beaucoup de difficultés actuellement à faire face à cette extrême chaleur. Nous avons vécu une sécheresse qui fait peur surtout en ce qui concerne chez les personnes âgées qui ont vécu cette sécheresse en 1973 et 1985. Il y a d’autres zones aussi où les gens nous informent que la situation est difficile. Ce qui aggrave ceci est que durant l’été 2021, la région de Tombouctou n’a pas la chance d’avoir des pluies car c’étaient deux ou trois pluies qui sont tombés de façon sporadiques dans certaines localités et cela créent des conflits entre les éleveurs transitaires autour des pâturages et des points d’eau qui sont rares. L’année d’avant aussi la région était presque dans la même situation c’est-à-dire il n’y avait pas assez de pâturages vu que les autorités locales ainsi les organisations humainitaires n’ont pas la possibilité à csuse de l’insécurité grandissante à oeuvré pour que les populations soient dans les conditions.
Les conditions ne sont pas réunies pour faciliter leur résilience. Aujourd’hui, c’est aux jeunes de se lever et de travailler d’arrache-pied et dur afin d’essayer d’aller chercher tous les moyens nécessaires pour faciliter la vie de ces communautés nomades. Ces personnes souffrent et qui font seules face à la crise multidimensionnelle sur le plan sécuritaire la crise face au climat. Ces populations ont besoin de nos soutiens et comme nous faisons partie de ces communautés. Nous sommes les ambassadeurs de ces communautés.
Mehari-Post : Parlez nous un peu des membres et les objectifs de votre organisation à Tombouctou?
-Salah: Notre association a été créee en Septembre 2019 c’était le moment où j’ai fini mes études en Algérie. Avec des camarades, nous avons directement constaté malheureusement le dégât causé il y a des années et nous avons décidé de faire quelque chose pour donner une vie aux jeunes, femmes, enfants et vieilles personnes et de faire vivre la ville et les milieux ruraux de la région en donnant les opportinutés à certaines personnes. Nous avons un bureau de 11 membres dont 05 femmes. Notre association compte plus de trente membres en assemblée générale avec ceux qui ne sont pas dans le bureau exécutif et nous avons toujours mis les femmes en avant au sein de l’organisation et dans plusieurs activités que nous avions mené. Les communautés de notre espace du Sahara et surtout riveraines du fleuve Niger sont des sociétés matriarcales, composées de touaregs de songhoïs et des arabes. Dans tous les villages où nous sommes passés, nous avons vu que les femmes sont mises en avant dans le cadre de la prise de certaines décisions. Nous leur donnons une possibilité de discuter avec les hommes et acteurs administratifs locaux externes. Nous mettons les femmes et les jeunes en avant pour la relève. Lors de nos projets, nous avons un comité de pilotage ainsi qu’un réseau des personnes ressources où nous unissons les hommes et les femmes afin qu’ils travaillent ensemble et chercher des solutions aux difficultés posées sur lesquelles nous travaillons.
Mehari-post : En tant qu’étudiant en Master en Ingénierie de développement local, pouvez-vous nous expliquer quelles sont les expériences que vous avez acquises lors vos études en Algérie, de votre passage au Burkina Faso, en passant par le Mali, votre ville natale et ainsi que la France ? Dites nous le point que vous créez entre Lyon et Tombouctou ?
- Il faut savoir qu’après ma formation en Algérie. Lorsque mes camarades et moi avions fondé l’Association Nomade AGNA, nous avions mené quelques activités en partenariat avec de jeunes associations sur place. Personnellement, j’ai fait un master en management des projets d’organisations et c’est ce qui m’a permis de travailler pour le fonctionnement de l’Association. Par contre, plus tard dans le temps, nous avons y à faire une évaluation des besoins sur le terrain. Ensuite j’ai décidé de me former pour pouvoir faire face à ces besoins et c’est ce qui m’a poussé de faire des études à Lyon sur l’ingénierie en développement local et c’est ce qui va nous permettre de trouver des solutions sur place à nos problèmes.
Cette formation me permettra dans l’avenir d’avoir un bagage technique à mettre au service de l’association pour user des ressources locales pour développer nos zones respectives.
Mehari-post : Quelles sont vos perspectives ?
Je remercie le Mehari-Post qui nous a permis de nous exprimer. L’Association Nomade AGNA a en perspective de projet de mener des activités culturelles dans la région de Tombouctou, mais aussi de projet de renforcement de capacités des femmes sur la transformation céréalière qui permettra une émancipation économique aux femmes nomades de Tombouctou. AGNA a d’autres perspectives en cours. Nous lançons un appel à toute personne de bonne volonté de venir voir ce que nous faisons et ce que nous pourrons faire ensemble. Nous remercions le directeur du Mehari-Post qui est un jeune doté d’expérience, et ainsi que toutes les personnes qui vont lire cet entretien.