Propos recueillis par Alou Badra Doumbia et Alassane Cissé, avec une rédaction de Mohamed Ag Ahmedou
Depuis 2012, de la crise sécuritaire à la crise politique en passant par les conflits intercommunautaires, le Mali traverse une crise multiforme et multidimensionnelle qui ne dit pas son nom. Depuis l’accord pour la paix et la réconciliation nationale découlant des pourparlers inclusifs du processus d’Alger, la mise en œuvre de ces accords demeure toujours difficile au regard de plusieurs causes. Le service média du Méhari-consulting est allé à la rencontre des citoyens maliens afin qu’ils s’expriment sur la situation.
Ils sont jeunes, âgés et exercent différentes professions. Ceux que nous avons rencontrés sont unanimes sur la nécessité d’un dialogue afin que la paix et la réconciliation reviennent au Mali.
L’ancien directeur régional du tourisme de Tombouctou, Oumar Balla Touré, fut également conseiller technique du Ministère de l’Artisanat et du Tourisme. Il est aujourd’hui directeur technique du Mali tourisme et nous a accordé un entretien au cours duquel il est revenu sur les questions de paix et de réconciliation au Mali.
Quelle lecture faites-vous sur la situation sécuritaire de notre pays ?
» La situation sécuritaire au Mali a dépassé notre entendement. À un certain moment, on pensait que c’était passager. Depuis 2012, nous sommes dans cette situation dite sécuritaire qui a été localisée dans le septentrion malien et qui est descendue dans le centre du pays. Elle a tendance à s’éparpiller sur toute l’étendue du territoire de la République du Mali et devient également de plus en plus difficile à gérer. Vous savez, dans un pays comme le nôtre, l’économie est à dominance rurale. En plus de la crise sécuritaire, est venue s’ajouter une crise sanitaire comme si Dieu était contre nous. Donc à vrai dire nous traversons maintenant une période très difficile. En tant que spécialiste du tourisme, dans un passé récent, le tourisme était la troisième économie de ce pays après l’or et le coton. Ce secteur rentabilisait plus de 100 milliards de francs CFA. Auparavant, quand un touriste venait au Mali, il pouvait contribuer à quatre niveaux à savoir : transport, restauration, hébergement et quelques achats pour les souvenirs. Lui seul, pendant une semaine de séjour, pouvait dépenser entre 450.000f à 750.000 fcfa. A supposer que nous atteignions quelques 300.000 à 400.000 touristes, le pays pouvait obtenir des milliards de Fcfa. Le tourisme contribuait significativement à l’économie car chacun avait sa part à gagner. Aujourd’hui la crise a ralenti toutes les activités économiques ».
Depuis la signature de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale en 2015, que nous pouvons tous constater peu mis en œuvre, la sécurité ne s’est pas améliorée et demeure toujours difficile. Quelle solution préconisez-vous pour que le Mali quitte de cette crise ?
En bon malien, je suis au courant de beaucoup de choses. S’il y’avait de la sincérité entre les parties signataires, l’application de cet accord n’aurait pas pris autant de temps. Ce qui signifie qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Je vous dis encore tant qu’il n’y a pas de grande sincérité entre les parties, nous allons tourner toujours en rond. Cette situation n’arrange personne, à savoir : le touareg, le bambara, le sonrhaï, le bozo, le dogon, le malinké et même le peulh. Nous devons prôner le dialogue.
Le deuxième citoyen qui a bien voulu nous accorder son point de vue sur la situation au Mali se somme Soumaïla Sacko, un entrepreneur de 48 ans.
Comment voyez- vous la situation au Mali ?
La situation actuelle du pays est catastrophique, d’abord le Mali est un pays pauvre mais béni. En 2012, nous étions sur le point de perdre presque la quasi-totalité de notre territoire mais grâce à la bénédiction de Dieu et de nos ancêtres, les accords ont été signés. Il reste maintenant la ville de Kidal qui n’est pas un problème. Entre maliens, il y aura toujours des solutions qui nous permettront de nous comprendre jusqu’à stabiliser le pays.
Quelle est votre lecture de cet accord ?
Je ne connais pas trop le contenu de l’accord, donc je ne vais pas m’aventurer sur un terrain que je ne maîtrise pas.
Est-ce que vous croyez que cet accord peut être une solution pour les maliens ?
Depuis la nuit des temps, quand il y a des problèmes dans notre pays, ce sont les accords qui les règlent et cela n’a pas commencé aujourd’hui. Ce qui m’intrigue qu’on ait été en Algérie pour faire les négociations alors que les maliens pouvaient s’asseoir et discuter au Mali. Concernant la mise en œuvre de l’accord, j’ai compris que les lignes ne bougent pas. Mais je suis quand même optimiste qu’un moment viendra où nous allons sortir de cette situation. Car cela ne peut pas rester ainsi pendant longtemps. Cette crise a mis aux arrêts toutes les activités et paralysé tous les secteurs pouvant contribuer à la relance économique.
La troisième personne qui a acceptée d’intervenir pour Méhari-consulting, est un jeune entrepreneur malien de 34 ans. Il se nomme Cheick Seïdina et il mène comme activité la location de chaises et de bâches pour les événements de conférences, mariages, baptêmes et concerts.
Que pensez-vous de la situation actuelle du Mali ?
Le Mali traverse aujourd’hui une période très difficile. Par le passé, l’armée malienne était sollicitée sur tous les fronts en Afrique. Cependant, ces derniers temps, le pays reste le théâtre des affrontements et les maliens assistent à toutes sortes d’humiliations.
Que pensez-vous des affrontements intercommunautaires dans le centre du pays entre dogons et peulhs ?
C’est est inimaginable car je suis peulh et ma femme est dogonne. Pourquoi tenterais-je de la tuer . Voilà deux peuples qui vivaient parfaitement bien dans le passé et qui se retrouvent aujourd’hui à couteaux tirés. Chaque communauté parle la langue de l’autre et le vivre-ensemble fait le charme. Les maliens ont toujours été soudés et la question qui se pose est de savoir si ces deux communautés n’ont pas été instrumentalisées ?
Croyez-vous encore à la paix au Mali ?
Oui je crois que la paix peut revenir dans ce pays.
La quatrième personne que nous interrogeons est un jeune réparateur de motos et il se nomme Yaya Diallo. Il réside à Kalaban Coura, un des plus grands quartiers populaires de Bamako. Yaya Diallo nous parle également au sujet de la situation qui prévaut au Mali.
Depuis quand avez-vous commencé à exercer ce métier ?
Je n’ai pas pu terminer mes études dans notre village. Je suis venu à Bamako chez ma grand-mère et c’est ici que j’ai commencé à apprendre le métier. Aujourd’hui je gagne bien ma vie et je ne dépends de personne.
Qu’est ce vous pensez de la paix au Mali ?
Yaya Diallo : Ce que nous espérons jours et nuits, car nous ne pourrons rien avoir sans la paix et la cohésion. Je reste quand même optimiste. Notre pays a longtemps souffert de la crise et il est encore temps que les maliens se donnent les mains pour faire relever le Mali. Rien ne vaut le dialogue afin que la paix, la stabilité et la réconciliation nationale nous reviennent.