Écrit par Alassane Cissé.
Terre, jadis, de pardon, d’hospitalité et d’humilité, le Mali a hérité du concept de république selon laquelle la gestion du pays est l’affaire de tous. Dans ce contexte, les gouvernants ont pour mission de gérer les affaires du pays et les citoyens ont droit d’apprécier l’action de leurs élus en vertu des normes et des procédures dont le respect s’impose à tous. Le Mali kura ou le nouveau Mali pose le problème de l’appropriation de la démocratie au Mali dans un contexte sociopolitique, marqué par une situation sécuritaire volatile, minée par des violations graves des droits humains. Dans ces conditions, l’effectivité de l’accès à la justice et au droit tout court est contrariée ; d’où l’aspiration aujourd’hui du peuple malien à un Mali kura ou un nouveau Mali. Par Mali kura ou nouveau Mali, nous pouvons entendre l’aspiration à une gouvernance vertueuse et à une réelle appropriation de la démocratie par le peuple malien pour un développement harmonieux du pays. La question qui se pose est de savoir quelles sont aujourd’hui les aspirations profondes et légitimes du peuple malien ?
Comment pouvons-nous parvenir à un Mali kura ?
Il faut d’abord rappeler que depuis de nombreuses années, le Mali est secoué par une crise multidimensionnelle dont les principales victimes sont les maliens et maliennes eux-mêmes. Face à cette crise profonde, les maliens multiplient les initiatives pour que revienne la paix, rien que la paix, car la seule guerre qui vaille d’être menée est celle de la grandeur et de la souveraineté du Mali. C’est l’une des raisons qui ont prévalu à la tenues des Assises Nationales de la Refondation (ANR) dont les conclusions sont, selon beaucoup de maliens, porteuses d’espoir et d’espérance si elles sont mise en oeuvre. À travers ces assises, le peuple malien a exprimé son aspiration à une redéfinition de la gouvernance au Mali, qui passe nécessairement par l’accomplissement d’un certain nombre de défis. Au nombre de ces défis, figurent notamment en bonne place, la satisfaction du pays, la gestion des élections, l’alternance démocratique le défi de la gestion des partis politiques et le défi de la régulation de la communication. D’abord, pour ce qui concerne de la stabilisation, le Mali a vécu en 2012 une crise multidimensionnelle qui a engendré la signature de l’accord pour la paix et la Réconciliation, issu du processus d’Alger en 2015. La mise en oeuvre de cet accord est perçue comme partie intégrante du nouveau Mali ou le Mali kura. Avec la difficulté de la mise en oeuvre de l’accord et l’insécurité grandissante avec son cortège de morts civils et militaires qui continuent d’exacerber le mécontentement de la population, il apparait nécessaire, aux yeux d’une bonne partie des maliens, de procéder à des réformes politiques, institutionnelles et électorales.
S’agissant de l’alternance démocratique, elle consistera dans un premier temps, à faire en sorte que le modèle électoral qui sera mis en place puisse satisfaire les aspirations démocratiques. Dans un second temps, il est à noter qu’un certain nombre de constats a été fait en matière du non respect de l’alternance politique, de 2012 à 2020. Il s’agit notamment de la prorogation des mandats des membres du haut conseil des collectivités depuis 2012, des conseillers communaux de 2014 à 2016, des conseils de
cercle et des conseils régionaux depuis 2014, de ceux des députés à deux reprises en 2018 et 2019 sur avis favorable de la cour constitutionnelle. Ce qui, de l’avis général des populations, est en violation des normes. En ce qui concerne la gestion des partis politiques et la régulation de la communication, des défis restent à relever. Selon certaines presses écrites et parlées, les partis politiques de la majorité et de l’opposition ont, de 2001 à 2018, perçu plusieurs milliards de francs CFA en termes de subventions accordés aux partis politiques. Malgré ces efforts du contribuable malien, deux coups d’état sont intervenus le 22 mars 2012 et le 18 août 2020. Cela pose la problématique de l’efficience des partis politiques au Mali. Au même moment les organisations de la société civile oeuvrant dans la gouvernance et la démocratie ne bénéficient pas du même traitement de la part de l’Etat. Quant à la régulation de la communication, il s’agira pour les gouvernants d’assurer la mise en oeuvre de la liberté d’expression et de la presse, garantie par la constitution. Parallèlement à ces défis plus haut cités, pour bâtir un Mali kura, une stratégie d’éducation civique devrait se faire tout au long de la transition politique. Dans ce cas, il apparait important que les plus hautes autorités du pays, les partis politiques et les organisations de la société civile communiquent, informent et sensibilisent les citoyens sur les réformes à entreprendre, leurs intérêts, les mécanismes et les étapes. Ce pendant, le développement est un crédo des temps modernes dont l’atteinte ne saurait se passer des contraintes et des exigences d’un comportement souhaité à tous les niveaux ; une évidence qui interpelle tous. En définitive, changer de gouvernance implique un changement individuel de comportement. Il est temps que les maliens acceptent de respecter la loi et s’y plier de bonne grâce sans autre interférence. Il est temps qu’ils aient des égards pour le bien public pour les sceaux de l’Etat, pour le prochain.C’est à ce seul prix que nous pourrions prétendre à une réelle participation des citoyens à l’action publique, qui est la sève nourricière de la démocratie et de l’Etat de droit. C’est pourquoi nous partageons cette assertion selon laquelle : »Quand la politique de l’Etat est incompatible avec les voeux de la population, il ya conflit entre l’Etat et la nation ».
Alassane Cissé