Diaspora touarègue en Europe : une mise au point face aux polémiques stériles

Par la Rédaction du Méhari Post et Méhari Consulting.

La 18ᵉ Rencontre annuelle de la diaspora touarègue en Europe, organisée du 15 au 17 août au Cormier (Eure, Normandie), se voulait un moment de dialogue et de mémoire. Elle a pourtant été suivie d’une controverse aussi bruyante qu’infondée autour d’une minute de silence observée lors d’une table ronde consacrée à l’actualité sahélienne. L’Organisation de la diaspora touarègue en Europe (ODTE) a réagi par une mise au point ferme, dénonçant une « fausse polémique » qui détourne du cœur de son engagement : la défense des droits des Kel Tamajaq et des populations du Sahel.

Une minute de silence dénaturée

Le 16 août, au cours d’un débat réunissant plusieurs intellectuels et figures engagées, dont l’ancien élu nigérien Issouf Maha, l’écrivaine Hadizatou Mint Ziddou et le journaliste Mohamed Ag Ahmedou, une minute de silence a été observée. Geste sobre et universel, elle était dédiée aux victimes civiles et militaires d’un conflit sahélien qui n’épargne ni Touaregs, ni Peuls, ni Songhaï, ni Zarma.

Mais certains acteurs ont choisi de l’interpréter autrement, allant jusqu’à accuser Mohamed Aghali, président d’honneur de l’ODTE, d’un parti-pris douteux. Des propos déformés et relayés sans nuance, alors que l’intéressé évoquait explicitement les soldats nigériens – parmi eux de nombreux Touaregs – tués par l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) à Eknewane, Tillia ou Inatès.

En travestissant ce message, ses détracteurs donnent paradoxalement l’impression de minimiser ou d’ignorer les crimes de l’EIGS, qui frappe aussi bien les civils que les militaires touaregs, notamment au sein de la Garde républicaine du Niger, corps largement composé de membres de cette communauté.

Le vrai sujet : l’Azawad et les crimes de masse

Ce détournement est d’autant plus frappant que la table ronde, loin de se résumer à ce moment symbolique, a consacré plus de 90 % de ses échanges à l’Azawad et aux drames vécus par ses populations. Les panelistes ont dénoncé avec force les exactions commises par les mercenaires russes de Wagner et les forces maliennes aux ordres des colonels putschistes.

Les témoignages recueillis rappelaient notamment la frappe du 8 juillet dernier contre la foire hebdomadaire de Zouéra, dans la région de Tombouctou, où trois jeunes filles touarègues ont péri. D’autres frappes de drones ont visé des hameaux et des campements nomades, accentuant l’impression d’une guerre menée non pas contre des groupes armés, mais contre des populations civiles.

L’ODTE, entre engagement et attaques injustes

Dans son communiqué du 25 août, l’ODTE rappelle que cette rencontre n’était pas un événement institutionnel, mais un espace de dialogue ouvert aux sensibilités diverses de la diaspora. Chercher à lier artificiellement l’organisation à des « orientations inexistantes » revient à biaiser volontairement le débat.

L’ODTE préfère rappeler ses actions concrètes : le 14 juin dernier, elle avait initié, avec d’autres organisations, une manifestation devant le siège de la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye, dénonçant les crimes commis au Mali et appelant à une enquête internationale. Cette mobilisation, portée notamment par Aboukala Ag Argalaless – vice-président de l’ODTE et président de la Fondation Aman Iman – avait montré le sérieux et la constance de la diaspora dans son combat pour la justice et la paix.

Le mal du siècle : la division intérieure

Au-delà des polémiques, la réaction d’un sage touareg, interrogé par nos soins, éclaire la gravité de ces querelles intestines :

« Tu vois mon frère, nous on lutte de notre propre engagement, sans rien revendiquer. Pour moi, chaque intellectuel doit lutter de son côté et ne jamais critiquer ses frères. Mais dans notre communauté c’est difficile. Il y a des gens qui ne peuvent exister qu’en s’attaquant aux autres. C’est pitoyable. »

Ce constat, douloureux mais lucide, illustre la difficulté de construire une parole collective touarègue audible dans un contexte sahélien marqué par la fragmentation et les manipulations.

Une constance dans l’action

À travers ses communiqués et ses initiatives, l’ODTE s’efforce pourtant de maintenir une ligne claire : défendre les droits fondamentaux, dénoncer les injustices, promouvoir la paix et la dignité des peuples du Sahel. Sa crédibilité repose sur cette constance, non sur des gesticulations médiatiques.

« Le discours qui divise affaiblit notre foi en nous-mêmes », rappelle le bureau de l’ODTE. La polémique autour du 16 août, montée en épingle, ne fait que confirmer ce paradoxe : au lieu d’encourager un engagement collectif contre les violences massives, certains préfèrent attiser des querelles secondaires.

Dans une région où les frappes de drones, les massacres djihadistes et les abus de mercenaires se succèdent dans un silence international presque total, ces disputes paraissent dérisoires. L’essentiel reste ailleurs : soutenir ceux qui, dans la diaspora comme au Sahel, continuent de porter la voix des sans-voix.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Back To Top