Ecrit par Mohamed AG Ahmedou.

Le 8 juillet, un drone de l’armée malienne a frappé la foire hebdomadaire de Zouéra, dans la région de Tombouctou, tuant quatre civils, dont une restauratrice et ses deux enfants. Présentée comme une opération contre un prétendu dépôt terroriste, cette frappe s’inscrit dans une série d’attaques controversées contre des localités du Nord malien, où les populations civiles nomades sont de plus en plus prises pour cible.
À Zouéra, les civils à nouveau pris pour cible
Le village de Zouéra, situé dans la commune d’Essakane, à 90 kilomètres à l’ouest de Tombouctou, était en jour de foire ce 8 juillet à l’occasion de sa foire hebdomadaire. Comme chaque semaine, les habitants, commerçants, femmes, enfants , convergent vers cette place de vie et d’échange. Mais ce jour-là, un drone de l’armée malienne a transformé cette scène de marché en champ de ruines.
La frappe a visé un véhicule transportant des barils de carburant appartenant à un transporteur local, ainsi qu’un petit restaurant tenu par une habitante du village. Le bilan humain est lourd : quatre morts, dont la restauratrice, ses deux enfants, et un client présent sur les lieux. Quatre autres personnes ont été blessées, dont une femme évacuée vers Tombouctou par Médecins Sans Frontières.
L’état-major malien a justifié cette opération en affirmant avoir ciblé un dépôt logistique appartenant à un groupe armé terroriste. Une version démentie par plusieurs notables et autorités communales de Zouéra, qui rappellent que toutes les activités commerciales, y compris les stocks de carburant, sont régulièrement déclarées aux autorités régionales.

Une logique d’exaction ciblée dans le Nord malien
Ce n’est pas la première fois que de telles frappes touchent des civils dans les régions nomades du nord du Mali. Les 15 et 16 janvier, puis le 11 avril, des incidents similaires ont été signalés dans la localité voisine de Zarho, dans le cercle de Ber. Là encore, les habitants avaient dû faire face à des tirs de drones et à des incursions armées de soldats accompagnés de mercenaires russes du groupe Wagner.
Dans chaque cas, les autorités militaires justifient les frappes par la présence de groupes armés islamistes ou de dépôts logistiques. Pourtant, les structures civiles locales affirment avoir transmis toutes les informations pertinentes aux gouverneur et au Commandant de la zone de défense militaires de Tombouctou. La récurrence de ces frappes malgré la transparence des autorités locales interroge : s’agit-il réellement d’erreurs de renseignement, ou d’une politique délibérée de répression contre des populations perçues comme opposées à la junte ?
Zouéra, nouvelle illustration d’une stratégie de terreur
Loin de constituer un simple accident de guerre, la frappe du 8 juillet à Zouéra semble illustrer une dérive plus profonde : celle d’une armée qui, sous couvert de lutte antiterroriste, mène des opérations punitives contre les communautés nomades du Nord. La centralisation autoritaire du pouvoir par la junte de Bamako, depuis le départ des forces françaises et onusiennes, s’accompagne d’un mépris croissant pour les dynamiques locales et les équilibres communautaires.
L’hostilité envers les zones nomades transparaît dans la fréquence des frappes contre des villages parfaitement identifiés et documentés, où l’absence de présence terroriste est confirmée par les chefs locaux. Cette stratégie de la terre brûlée ne peut qu’alimenter les rancœurs, renforcer les fractures historiques entre Bamako et le Nord, et compromettre toute perspective de paix durable.
En s’attaquant à la foire de Zouéra, la junte ne frappe pas seulement un convoi ou un restaurant : elle envoie un signal de méfiance, voire d’hostilité, à l’ensemble des populations civiles du nord malien. Un message glaçant, à mille lieues de la reconquête de l’unité nationale dont elle se réclame.
Article incontestable comme tous les autres concernant les multiples frappes inhumaines que subissent les innocentes populations civiles du nord Mali !