Quand l’exil européen alimente l’autoritarisme africain : le paradoxe des cadres de la diaspora

À l’heure où le Sahel traverse l’une des crises les plus graves de son histoire contemporaine, une partie de la diaspora africaine, pourtant installée dans des démocraties européennes, contribue paradoxalement à la légitimation de régimes autoritaires nés de coups d’État militaires. Ces cadres, souvent naturalisés citoyens européens, jouissent pleinement des libertés, des droits et des opportunités que leur confèrent les sociétés ouvertes dans lesquelles ils résident. Pourtant, certains d’entre eux soutiennent activement, par leurs discours, leurs relais médiatiques ou leur lobbying, des pouvoirs militaires au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES), dont les pratiques brutales et répressives aggravent la situation humanitaire et sécuritaire de la région.

Un soutien incohérent à des régimes anti-démocratiques

Les régimes en place au Mali, au Burkina Faso et au Niger, réunis au sein de l’AES, ont tous été installés à la suite de coups de force. Sous prétexte de restaurer la sécurité face à la menace terroriste, ces juntes ont multiplié les restrictions des libertés fondamentales, censuré les médias, réprimé les opposants et noué des alliances militaires controversées, notamment avec des groupes de mercenaires russes.

Le paradoxe est saisissant : des cadres africains, vivant en Europe, parfois formés dans les meilleures universités, investis dans la société civile occidentale, défendent des pratiques qu’ils n’accepteraient jamais dans leur pays de résidence. En soutenant ouvertement ces régimes, ils participent à la banalisation de la violence politique et militaire qui s’abat sur les populations civiles sahéliennes, en particulier les communautés nomades régulièrement ciblées lors des opérations antiterroristes.

Mercenaires, or et chaos : les dessous d’un soutien intéressé

Les régimes de l’AES, qui se posent comme des bastions de souveraineté anti-impérialiste, ont ouvert la porte à des groupes paramilitaires russes comme Wagner, accusés de crimes de guerre, d’exécutions extrajudiciaires et de pillage des ressources minières, notamment l’or. Ce partenariat illustre une fuite en avant sécuritaire, alimentée par des intérêts géostratégiques étrangers, mais aussi par la compromission d’élites diasporiques prêtes à fermer les yeux sur les dérives tant qu’elles peuvent tirer profit d’un nouveau rapport de force politique ou économique.

La responsabilité morale de la diaspora

Il est impératif d’interpeller la responsabilité morale de ces cadres qui, tout en profitant de la démocratie européenne, s’érigent en relais de régimes autoritaires qu’ils idéalisent sous couvert de lutte contre le néocolonialisme. Le droit à la critique du passé colonial ne saurait justifier la légitimation de régimes liberticides. La construction d’un avenir démocratique pour l’Afrique passe par un soutien aux institutions civiles, à la liberté de la presse, à l’État de droit, et non par la promotion de dictatures militarisées.

Une alerte pour l’avenir du Sahel

Le Sahel est aujourd’hui à un tournant. La montée des régimes militaires, les violations des droits humains, les alliances douteuses et l’exode massif des civils sont autant de signaux d’alarme. La diaspora africaine en Europe a un rôle crucial à jouer dans la construction d’un avenir démocratique et pacifié pour la région. Encore faut-il qu’elle cesse de cautionner, même à distance, des régimes qui trahissent les aspirations profondes des peuples sahéliens à la liberté, à la justice et à la paix.

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