Une mémoire fondatrice qui divise ?

Au Mali, l’épopée de Soundiata Keïta, récit glorifiant la naissance de l’Empire du Mali au XIIIe siècle, est bien plus qu’un patrimoine culturel. Transmise par les griots depuis des siècles, elle est devenue un pilier du récit national. Or, dans un pays marqué par une mosaïque de peuples – Touaregs, Peuls, Songhaïs, Dogons, Bambaras, certains dénoncent aujourd’hui une instrumentalisation identitaire, voire une marginalisation des autres récits historiques.
« L’État malien s’est bâti autour d’une histoire officielle très centrée sur le Mandé. Cela crée un déséquilibre symbolique », explique un anthropologue à l’Université de Bamako.
’Azawad et le Macina : territoires en rupture
Dans le nord du pays, les Touaregs de l’Azawad ont longtemps contesté cette centralité mandingue. Depuis 2012, leurs rébellions successives ont mis en lumière une profonde fracture territoriale et identitaire. Si les Accords d’Alger (2015) visaient à réintégrer cette région dans le cadre de l’État, la méfiance demeure vive.
Plus au centre, dans le Macina, la situation est encore plus explosive. Là, la katiba Macina, dirigée par le prédicateur peul Amadou Koufa, mêle discours religieux, rejet de l’État central et ressentiment communautaire. Le tout sur fond de conflits entre éleveurs peuls et agriculteurs dogons ou bambaras.
« Ce n’est pas l’épopée en elle-même qui provoque le conflit, mais elle alimente un sentiment d’exclusion chez ceux qui ne s’y reconnaissent pas », souligne une chercheuse en géopolitique.
Conflit multidimensionnel : bien plus qu’un récit
Le conflit malien dépasse largement les symboles historiques. Il est politique, sécuritaire, économique et social avec une présence accrue de groupes jihadistes dans plusieurs régions.
Plus de 2 000 civils tués en 2024 et (source : ACLED).
On note 3 millions de déplacés internes et réfugiés , plus de 400 000 réfugiés en Mauritanie sans compter des centaines de milliers de réfugiés maliens en Algérie, en Libye et au moins 50 000 réfugiés maliens au Niger qui ont fuit les persécutions d’exactions de l’état islamique au grand Sahara dans les régions de Menaka et Gao.
Faillite de l’État à fournir services, sécurité et justice en d’autres termes les services sociaux de base aux populations. L’état central avec la junte militaire malienne a recruté en 2021 des mercenaires russes de Wagner et il s’est lancé dans une mission d’expédition punitive contre les populations nomades peules, touaregues, arabes, songhoys, Dogonnes et Soninkés sur lesquels les mercenaires russes de Wagner rebaptisé Africa Corps et les tirs de drones à l’aveuglette, applique une sorte de la tactique de la terre brûlée pour des raisons des épurations ethniques et de chasser ces communautés autochtones de leurs territoires ancestraux.
Concurrences locales pour le contrôle des terres, des routes et des ressources,
Interventions étrangères souvent perçues comme inadaptées.
Cependant, dans cet environnement chaotique, les récits identitaires jouent un rôle de catalyseur. Et l’épopée mandingue, en tant que matrice symbolique, est parfois perçue comme une glorification d’un « Mali du Sud » aux dépens d’autres identités.
Vers un récit national inclusif ?
Des initiatives locales émergent pour réhabiliter d’autres mémoires, comme celles de l’empire songhaï, des royaumes touaregs ou de la résistance peule à la colonisation. Le défi est de construire une histoire commune qui n’exclue aucune communauté.
« Le Mali a besoin d’un récit qui rassemble, pas qui hiérarchise les héritages », insiste un chercheur malien.
Si l’épopée mandingue a forgé une identité puissante et respectée, elle ne peut à elle seule porter la diversité d’un pays aussi vaste et complexe que le Mali. Dans un contexte de guerre multidimensionnelle, la mémoire collective devient un champ de bataille symbolique, révélant la nécessité d’un nouveau contrat historique et culturel.
Je viens de lire l’entièreté, et vos pensées sont bonnes nous devons redéfinir une politique de gestion de l’état Malien . Tout centraliser à Bamako a montré ces limites.