« Le Mali confisqué : quand les militaires s’emparent de l’État »

Depuis le coup d’État d’août 2020, suivi de celui de mai 2021, le Mali est devenu un État entièrement dominé par une junte militaire. Les cinq colonels putschistes, aujourd’hui maîtres absolus de Bamako, ont progressivement écarté les civils de tous les leviers du pouvoir. La militarisation de l’appareil d’État est désormais totale, au mépris des principes démocratiques et de la mission régalienne des forces armées.

Une militarisation complète de l’État

Depuis leur prise de pouvoir, les colonels de Kati ont verrouillé toutes les institutions du pays. Le colonel Assimi Goïta s’est autoproclamé président du Mali en se donnant un mandat de 5 ans reconductible sans être élu par le peuple malien. Le Conseil National de Transition (CNT), organe législatif provisoire, est présidé par le colonel Malick Diaw. Le gouvernement est dirigé par un colonel lui et il  est truffé de militaires à des postes clés. Même les services de renseignement sont dirigés par des hommes en treillis. Ce n’est plus une transition, mais une véritable captation du pouvoir par la caste militaire.

Les civils évincés, la démocratie étouffée

Les promesses de retour à l’ordre constitutionnel ont laissé place à une prolongation de la transition, justifiée par des prétextes sécuritaires ou souverainistes. Les forces vives de la nation – partis politiques, société civile, syndicats – sont marginalisées. La parole publique est muselée, la presse sous pression, et les voix critiques parfois assimilées à des ennemis de la République. Le processus démocratique est non seulement suspendu, mais méprisé.

Des militaires devenus bureaucrates

Ironie du sort : ceux qui disaient vouloir sauver la patrie de l’effondrement se sont peu à peu mués en gestionnaires de pouvoir, perdant de vue leur mission première. L’armée, censée défendre le territoire et protéger les citoyens, se transforme en une élite administrative. Cette dérive bureaucratique affaiblit non seulement l’institution militaire, mais aussi l’efficacité de l’État lui-même. Les compétences techniques et politiques manquent cruellement.

Une concentration dangereuse du pouvoir

En concentrant les trois piliers du pouvoir – exécutif, législatif et sécuritaire – entre les mains d’un petit groupe de colonels, le Mali prend le risque d’une dérive autoritaire durable. L’absence de contre-pouvoirs, la tentation de la propagande, et la criminalisation de toute opposition forment un cocktail explosif pour l’avenir du pays.

 Quelles perspectives ?

Le peuple malien, longtemps lassé par l’inefficacité des élites politiques, a dans un premier temps soutenu les militaires. Mais ce soutien s’effrite, à mesure que la gouvernance stagne, que la sécurité ne s’améliore pas, et que les libertés reculent. La transition est aujourd’hui à la croisée des chemins : choisir enfin un retour à la légitimité démocratique, ou s’enfoncer dans une militarisation sans fin.

Les militaires maliens ont confisqué l’État sous couvert de sauver la nation. Mais peut-on réellement bâtir un avenir démocratique en écartant les civils, en piétinant les institutions et en installant un pouvoir de caserne ? Le Mali mérite mieux qu’un pouvoir verrouillé. Il mérite une transition sincère, un retour à l’équilibre des pouvoirs, et surtout, une place centrale pour ses citoyens dans la refondation politique à venir.

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