
En votant un mandat présidentiel de cinq ans renouvelable indéfiniment sans passer par les urnes, le Conseil national de transition vient d’officialiser une dérive autocratique inquiétante au Mali. Le général Assimi Goïta devient président non élu, potentiellement jusqu’en 2030 et au-delà. Une gifle à la démocratie et une trahison de l’esprit de la transition.
C’est donc officiel : au Mali, on peut devenir président sans élection. Mieux — ou pire — on peut y rester aussi longtemps que « nécessaire », selon le bon vouloir de ceux qui tiennent les rênes. Ce jeudi, le Conseil national de transition (CNT), organe législatif de la junte, a adopté à l’unanimité une loi conférant un mandat présidentiel de cinq ans renouvelable à volonté au général Assimi Goïta. Sans passer par les urnes. Sans débat national. Sans opposition. Sans honte.
Cette mascarade institutionnelle enterre définitivement les espoirs démocratiques nés des insurrections populaires de 2020. Le peuple, qui avait crié sa colère contre un régime corrompu et inefficace, se retrouve aujourd’hui sous le joug d’un pouvoir militaire qui, sous prétexte de transition, s’est taillé une présidence sur mesure. Un pouvoir sans contre-pouvoirs, une légitimité sans le peuple.
Goïta, autoproclamé « chef de la transition », devient donc président par décret déguisé en loi, promulguée par lui-même. Un acte d’autolégitimation absolue, digne des pires régimes autoritaires. Il ne s’agit plus de restaurer l’État, ni de redonner la parole aux citoyens, mais de verrouiller le pouvoir, de transformer le provisoire en permanence, la transition en régime.
Ce qui frappe, c’est la rapidité et la brutalité du processus : 131 membres du CNT ont voté pour ce texte sans réserve, sans amendement, sans voix dissonante. Unanimité factice, reflet d’une institution vidée de sa mission représentative, réduite à un simple instrument d’exécution des volontés du pouvoir militaire. Le pluralisme est mort, la démocratie a été confisquée.
Le Mali méritait mieux. Il méritait un projet de refondation inclusif, fondé sur la consultation populaire et la reconstruction de la confiance entre l’État et les citoyens. Au lieu de cela, la junte a choisi la voie de la normalisation autoritaire, s’installant durablement au sommet de l’État tout en se drapant dans les oripeaux du nationalisme et de la souveraineté.
Qu’on ne s’y trompe pas : il ne s’agit pas de stabilité, mais de confiscation. Un pays sans élections, sans opposition, sans alternance, n’est pas stable — il est anesthésié. Et le réveil, dans l’histoire récente du Sahel, est souvent brutal.
En inscrivant dans la loi la présidence sans élection, Assimi Goïta entre dans le club des dirigeants autocrates qui refusent de rendre le pouvoir. Le Mali, autrefois fer de lance des transitions démocratiques africaines, glisse aujourd’hui vers une forme de césarisme militaire inquiétante. Le silence international, lui, est assourdissant. Mais les peuples, eux, ont la mémoire longue.