Mali : le communiqué de la junte sur les arrestations du 1er au12 Août, un copier-coller d’une propagande déjà usée

Par Mohamed AG Ahmedou journaliste et acteur de la société civile du Mali.

Bamako –

Le 14 août 2025, dans un décor solennel, le ministre de la Sécurité et substitut du porte-parole du gouvernement, le général Daoud Mohamedine, a lu, droit dans ses galons, le communiqué n°077 de la Transition. Derrière ses phrases calibrées, un récit déjà connu : l’arrestation de hauts gradés de l’armée, parmi lesquels les généraux Abass Dembélé et Néma Sagara, ainsi qu’un ressortissant français, présenté comme un agent de renseignement, Yann Vézillier. Le texte, signé du ministre de l’Administration territoriale Abdoulaye Maïga, assure que les intéressés complotaient pour déstabiliser les institutions.

Pour de nombreux Maliens, ce communiqué n’a rien d’original : il rappelle presque mot pour mot celui publié en juillet 2022 lors de l’arrestation des 49 soldats ivoiriens, accusés alors d’être des « mercenaires » venus fomenter un coup d’État. À l’époque, la junte s’était appliquée à ternir l’image de la France via l’allié ivoirien, malgré les documents de l’ONU confirmant que ces soldats étaient déployés dans le cadre d’une relève des contingents de la MINUSMA à Gao.

Un scénario de polarisation politique

Pour ses détracteurs, le pouvoir militaire actuel, dirigé par le colonel Assimi Goïta et son cercle rapproché (le colonel Malick Diaw et le général Daoud Mohamedine), use de la même mécanique : se fabriquer des ennemis intérieurs et extérieurs pour entretenir une légitimité en érosion.

« À chaque fois que leur popularité baisse, ils sortent un scénario d’arrestations spectaculaires », analyse un ancien membre du Conseil national de Transition (CNT).

Le passage du communiqué évoquant les contacts supposés de Yann Vézillier avec des acteurs politiques et de la société civile est lu par certains observateurs comme un aveu involontaire : le pouvoir sait que ces forces sociales existent, mais préfère les criminaliser plutôt que dialoguer.

Une répression tous azimuts

Depuis 2021, la junte a affiné une politique de répression protéiforme :

Par la justice économique : comme ce fut le cas avec l’ancien Premier ministre Boubèye Maïga, décédé en détention, et le chef du gouvernement Choguel Kokalla Maïga, écarté après avoir été un allié clé.

Par la justice numérique : via le pôle de cybercriminalité, utilisé contre des figures comme le chroniqueur Ras Bath ou l’ex-Premier ministre Moussa Mara.

Par des arrestations militaires musclées : visant parfois ses propres soutiens d’hier, dont des officiers qui connaissent trop bien les arcanes internes du régime.

La liste des victimes de ces purges ne cesse de s’allonger, signe d’une gouvernance crispée qui frappe indistinctement civils et militaires.

Une armée fracturée

Derrière les communiqués d’unité, les fissures au sein des forces armées maliennes se creusent. Les « bérets verts » de Goïta et Diaw semblent dominer au détriment des autres corps : bérets noirs de l’armée de l’air, bérets chocolat de la garde nationale, bérets bleus ou rouges, et même certains bérets verts non alignés.

Le général Abass Dembélé, réputé proche de la troupe et respecté dans les rangs, illustre ce malaise. Sa mise en cause publique a été vécue comme une humiliation par une partie de l’armée. « C’est le signe que Goïta ne craint pas seulement ses ennemis déclarés, mais aussi ceux de son propre camp », confie un officier à la retraite.

Les absents et les tensions au sommet

L’épisode révèle aussi des tensions au sommet. Le ministre de la Défense, le colonel Sadio Camara, est actuellement en Russie. Pendant ce temps, les purges touchent ses proches supposés. Faut-il y voir un avertissement ou une rupture en gestation ?

Certains analystes se demandent si Camara cherche à Moscou un renfort politique pour contrer le trio Goïta-Diaw-Mohamedine, ou s’il prépare un éloignement durable.

Un régime en perte de souffle

Cinq et quatre ans après le double coup d’État de 2020-2021, la junte n’a pas tenu ses promesses de transition rapide ni de redressement sécuritaire durable. En multipliant les procès à charge et les arrestations, elle prend le risque de s’aliéner encore davantage une population qui, déjà, exprime sa lassitude face aux restrictions des libertés, à l’isolement diplomatique et à la dégradation économique.

Les accusations spectaculaires peuvent créer un sursaut d’adhésion momentanée, mais elles ne suffisent plus à masquer l’essentiel : un régime de plus en plus fragilisé, qui se replie sur une logique de bunkerisation politique.

Reste à savoir si ces purges marqueront le début d’une recomposition au sommet ou si elles ne sont qu’un nouvel épisode d’une gouvernance par la peur. Comme en 2022, le temps finira par dire si le communiqué du 14 août est un acte de vérité ou un écran de fumée de plus dans la stratégie de survie d’Assimi Goïta et de ses hommes.

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