RCA : le « modèle Touadéra », arme de survie ou tutelle étrangère ?

Par Mohamed AG Ahmedou– Avec la contribution de Koffi Dovene, spécialiste des questions sécuritaires au Sahel et en Afrique.

Bangui 2016 : l’État en lambeaux

« Lorsque Faustin-Archange Touadéra arrive au pouvoir, la Centrafrique ne contrôle qu’une poignée de quartiers de Bangui. Plus de 80 % du territoire est aux mains de groupes armés.

Les Forces armées centrafricaines (FACA), gangrenées par le clientélisme et sous-équipées, échouent à contenir les offensives rebelles malgré l’accord de paix de 2019. L’ultimatum sécuritaire devient existentiel en 2020, quand l’alliance UPC–CPC menace de marcher sur la capitale »,  a écrit en introduction, Koffi Dovene dans sa tribune de réflexions à propos de la Centrafrique.

L’entrée russe : minerais contre protection

Pour Koffi, le deal est clair : Wagner sécurise le régime, protège le président, encadre le référendum constitutionnel de 2023, et reprend des villes stratégiques.

En échange, Moscou obtient des concessions minières sur l’or, les diamants et l’uranium. Les conseillers russes, à l’image de Valery Zakharov, s’installent au cœur de l’appareil sécuritaire.

La stabilisation, un mirage

Wagner et des milices locales comme l’AAKG reprennent des villes comme Mboki et Zémio, et sécurisent les axes miniers.

Mais la paix est trompeuse :

Captation économique : 30 % des revenus miniers s’évaporent dans des sociétés-écrans liées à Moscou.

Violences systémiques : exécutions sommaires, tortures, prisons secrètes, documentées par l’ONU.

Isolement diplomatique : départ des troupes françaises en 2022, réduction de l’aide européenne.

Un État fantôme sous perfusion

Les FACA restent dépendantes du renseignement et de la logistique russes.

La stabilité repose sur la répression, non sur la réconciliation.

77 % de l’économie reste informelle, le chômage des jeunes explose, et la fracture sociale se creuse.

Un « modèle » exportable ?

Pour Koffi Dovene, ce schéma n’est possible que dans des pays :

en effondrement sécuritaire total ;

disposant de ressources stratégiques à céder ;

marginalisés diplomatiquement.

Le risque est évident : perte de souveraineté – comme en 2025 avec la tentative russe de remplacer Wagner par Africa Corps en exigeant un paiement cash – et instabilité chronique, à l’image des revers russes au Mali (Tinzawatene, 2024).

Les leçons pour l’Afrique

Deux priorités :

Professionnaliser l’armée pour ne pas dépendre d’un seul partenaire.

Diversifier les alliances, comme l’accord militaire RCA–RDC en octobre 2024.

Deux pièges à éviter :

La tutelle économique via des contrats opaques.

La priorité donnée au maintien du régime au détriment de la sécurité des civils.

Une spirale sans issue

Le « modèle Touadéra » maintient le pouvoir mais aggrave la dépendance. Rompre la relation avec Moscou risquerait l’effondrement, mais la prolonger renforce la tutelle.

La seule issue : reconstruire une armée nationale crédible, diversifier les partenariats et replacer la réconciliation au cœur du processus politique.

Koffi Dovene conclut par une image saisissante :

Agostinho Neto est mort sur une table d’opération en Russie ; récemment, Touadéra s’est fait soigner à Bruxelles. N’y a-t-il pas là matière à réfléchir ?

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