Newton Ahmed Barry, la plume debout du Burkina Faso – [Portrait]

Par Mohamed AG Ahmedou 

Il fut l’un des visages les plus familiers du paysage médiatique burkinabè. Aujourd’hui, depuis son exil en France, il en est sans doute l’une des voix les plus intransigeantes. Newton Ahmed Barry, journaliste de conviction, esprit libre, et désormais président de la Coalition Sahel Démocratie, structure ad hoc installée en Europe, reste fidèle à un engagement de toute une vie : défendre la vérité, dénoncer l’injustice, et tracer une voie démocratique dans un Sahel à la dérive.

Né dans un Burkina Faso encore façonné par les silences d’État, Newton Ahmed Barry alias « NAB » pour beaucoup, s’est imposé comme l’un des piliers du journalisme indépendant dans un pays souvent hostile aux voix dissidentes. De ses débuts à la télévision nationale jusqu’à son passage à la tête de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), l’homme n’a jamais cessé d’interroger le pouvoir, quel qu’il soit.

La rigueur en étendard

Il aurait pu se contenter d’être une figure respectée du service public audiovisuel. Mais très vite, Newton comprend les limites d’une presse d’État corsetée. À l’heure des compromissions, lui choisit la rupture. En cofondant L’Événement avec Germain Bitiou Nama, il donne naissance à l’un des rares bastions de l’investigation au Burkina. Un journal qui, à la fin des années 1990, ose remettre en cause les versions officielles sur l’assassinat du journaliste Norbert Zongo – l’un des plus grands traumatismes politiques du pays.

À L’Événement, il affûte sa méthode : rigueur, lucidité, et indépendance. Une posture qui lui vaut des inimitiés tenaces, y compris parmi d’anciens alliés. Mais NAB ne transige pas avec ses principes. Ni l’insurrection d’octobre 2014, ni la Transition de Michel Kafando, ni le pouvoir du MPP ne trouvent grâce à ses yeux lorsqu’ils dévient de la ligne démocratique. L’homme refuse les fidélités partisanes, préférant s’en tenir à l’éthique du combat.

L’épreuve du pouvoir

Lorsqu’il est élu président de la CENI, en 2016, certains y voient une compromission. D’autres y lisent une volonté d’assainir de l’intérieur un processus électoral miné par la défiance. NAB tente des réformes. Il veut une CENI moderne, transparente, autonome. Mais ses marges de manœuvre sont étroites. Les rapports avec l’exécutif sont souvent houleux. Même contraint au silence institutionnel, il conserve sa voix : sur les réseaux sociaux, ses analyses sur la gouvernance, la crise sécuritaire et la stigmatisation des Peuls bousculent le récit dominant.

Un jour, un proche résumera ainsi son tempérament :

« Même président, Newton continuerait à dénoncer les dérives de son propre régime. »

Une phrase presque prophétique.

Un exil forcé, une parole libérée

Sous la junte de Damiba, puis sous le régime du capitaine Ibrahim Traoré, le ton se durcit. Newton Barry, alors en France, devient l’un des opposants les plus virulents à la dérive autoritaire de Ouagadougou. Ses chroniques dénoncent les intimidations, les atteintes aux libertés, les manipulations informationnelles, les purges au sein de l’armée. Le pouvoir réagit avec brutalité. Sa famille au pays est visée. Sa mère intimidée. Lui, qualifié de « terroriste », voit sa tête mise à prix.

Mais la menace n’altère ni son verbe ni sa détermination. Depuis l’exil, il continue d’écrire, non par vengeance, mais par devoir.

« On ne choisit pas de résister pour être applaudi, mais parce que le silence est complice », écrit-il.

Coalition Sahel Démocratie : un nouveau front

Depuis un an, Newton Ahmed Barry préside la Coalition Sahel Démocratie, une faîtière ad hoc regroupant plusieurs personnalités sahéliennes engagées pour le retour de la démocratie, la paix et la bonne gouvernance. À ses côtés, des figures comme Ismaël Sacko, homme politique malien, Maixent Somé, intellectuel burkinabè, et bien d’autres militants exilés ou engagés depuis les diasporas sahéliennes.

Cette structure, encore discrète mais ambitieuse, entend faire entendre une voix alternative face à la montée des régimes militaires et aux connivences avec des puissances extérieures, notamment russes. En Europe, elle multiplie les alertes, mobilise les institutions internationales, propose des pistes pour une refondation politique inclusive dans la région.

En réunissant intellectuels, journalistes, politiques et membres de la société civile, la Coalition incarne une résistance civique transnationale, à l’heure où les régimes sahéliens verrouillent l’espace public.

La constance comme ligne de vie

Newton Ahmed Barry est de ces hommes qui, même seuls, refusent de courber l’échine. À la peur, il oppose la plume. À la censure, la vérité. À l’exil, une vision du pays à reconstruire, non dans la nostalgie, mais dans le courage de dire et d’écrire.

Au Burkina Faso, ses détracteurs le traitent de traître ; ailleurs, il est vu comme un éclaireur. Qu’importe : son exigence est intérieure. Et inaltérable.

Dans une région où les voix libres sont bâillonnées, où les opinions dissidentes sont criminalisées, Newton Ahmed Barry rappelle que le journalisme n’est pas une fonction, mais un acte. Un engagement. Un combat. Parfois solitaire, mais essentiel.

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