Azawad-Mali-Algerie: le FLA récuse la Charte de Réconciliation et déclare la fin du jeu diplomatique

Par Mohamed AG Ahmedou 

Dans un communiqué aussi cinglant que solennel, daté du 24 juillet 2025, le Front de Libération de l’Azawad (FLA) a tiré un trait sur tout espoir d’un retour à la table des négociations avec les autorités de transition maliennes. La déclaration n°15 du bureau exécutif du mouvement indépendantiste touareg, signé depuis Kidal par son porte-parole Mohamed Maouloud Ould Ramdane, s’apparente à une fin de non-recevoir lancée à la junte militaire de Bamako, mais aussi, en creux, à l’Algérie, médiateur historique du conflit sahélien.

Le ton est sans ambiguïté : le FLA fustige la récente « Charte de Réconciliation Nationale », remise solennellement par le colonel Assimi Goïta le 22 juillet à Bamako, comme une « farce politique » destinée à redorer l’image d’un pouvoir en quête de légitimité. Qualifiant cette charte de « document sans lien avec un véritable processus de paix », le Front balaie toute possibilité de dialogue avec un régime qu’il qualifie de « criminel » et « barbare ».

Un tournant stratégique

Ce communiqué marque un tournant majeur dans la posture stratégique du FLA, qui dit ne rechercher « aucune médiation » et affirme son intention de « recouvrer l’intégralité du territoire de l’Azawad » par les moyens qu’il « juge légitimes et souverains ». Ce rejet de toute voie diplomatique s’inscrit dans une radicalisation progressive observée ces derniers mois, à mesure que les violences reprennent dans le nord du Mali (Azawad ) et que le processus d’Alger semble définitivement enterré.

En cela, le FLA semble effectuer une manœuvre double : il adresse un camouflet à Bamako, mais également à Alger, qui tente encore de se poser en arbitre du conflit. Dans un récent entretien accordé à la presse algérienne, le président Abdelmadjid Tebboune avait pourtant réitéré sa disponibilité à accompagner un processus de paix. Mais Assimi Goïta lui a opposé une fin de non-recevoir, affirmant lors de la cérémonie du 22 juillet que « l’Algérie ne saurait plus être considérée comme médiateur », préférant désormais des négociations « internes au Mali ».

En réponse, le FLA vient de prendre tout le monde à contre-pied. En récusant le cadre même de la médiation, il fait un « dribble politique », selon les termes d’un diplomate ouest-africain, préférant remettre au cœur du débat une revendication maximaliste : la souveraineté pleine et entière sur l’Azawad.

Le spectre d’une fragmentation territoriale

Le refus d’entrer dans une logique de compromis, ajouté à la fermeture grandissante du régime de Bamako, laisse entrevoir une impasse explosive. Depuis la fin de l’Accord pour la paix de 2015 – déjà vidé de sa substance bien avant sa rupture formelle – les lignes de fracture se sont durcies. La junte malienne, repliée sur une rhétorique souverainiste, refuse tout statut différencié pour le nord du pays, tandis que  l’armée du Front de Libération de l’Azawad ainsi que les groupes armés radicaux notamment ceux affiliés au JNIM et à L’EIGS, multiplient les attaques dans les régions de Kidal, Ménaka et Gao ainsi que dans les régions du centre ainsi que dans celles du sud et dans celles de l’ouest du Mali.

Le rejet du dialogue par le FLA, bien que fondé sur une dénonciation des violences et de l’inaction du pouvoir central, fait planer le spectre d’un retour aux années les plus sombres du conflit sahélien. Il consacre aussi la marginalisation progressive de l’Algérie dans un dossier qu’elle a longtemps tenu à bout de bras – parfois au prix d’ambiguïtés selon les perceptions des différents protagonistes.

Un isolement assumé

En tournant ainsi le dos à tout cadre multilatéral, le FLA prend un pari risqué mais assumé. Il revendique une posture de rupture totale avec les logiques de négociation : plus de médiateur, plus d’accords signés pour ne pas être appliqués, plus d’arbitrage étranger. Une posture qui pourrait séduire une frange radicalisée de la jeunesse touarègue, frustrée par une décennie d’accords sans effets, mais qui risque également de placer le mouvement en marge des dynamiques diplomatiques régionales.

Cette radicalisation intervient alors que la junte malienne, elle aussi, se referme sur elle-même, coupant les ponts avec la CEDEAO, les partenaires occidentaux et maintenant, de fait, avec Alger. Dans ce jeu d’échecs à somme nulle, chaque acteur campe sur sa case, les lignes ne bougent plus, et le terrain redevient le seul espace de confrontation.

Le Mali entre dans une zone grise où la guerre redevient un langage, et où le silence des chancelleries pèse plus lourd que les déclarations. En rejetant les règles du jeu, le FLA force une recomposition. Mais celle-ci, pour l’heure, ne promet ni paix, ni justice — seulement plus de tension, dans un désert que la diplomatie semble avoir déserté.

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