Par Mohamed AG Ahmedou..

Ouagadougou – 22 juillet 2025
Dans un texte au vitriol publié ce mardi, l’analyste nigérien Samir Moussa dresse un constat implacable sur la dérive politico-militaire du Burkina Faso. Intitulée « Le théâtre en treillis – quand la guerre devient un décor de communication », sa tribune dénonce une mise en scène sécuritaire grotesque orchestrée par les autorités de transition, où l’action militaire cède la place à une stratégie d’image vidée de toute efficacité réelle.
« L’armée, au lieu d’être mobilisée pour sa mission régalienne – défendre la nation, protéger les citoyens, sécuriser les villages – se retrouve transformée en figurante d’un spectacle indigeste », écrit-il.
Depuis plusieurs mois, alors que la menace terroriste se maintient à un niveau critique dans l’Est, le Sahel et certaines zones du Centre-Nord, le régime du capitaine Ibrahim Traoré semble s’être enfermé dans une gouvernance par l’apparence. Au cœur de cette nouvelle doctrine : le programme “Faso Metbo”, présenté comme une croisade citoyenne pour l’assainissement et l’embellissement urbain. Une initiative a priori louable, mais qui, selon Samir Moussa, dissimule mal le vide stratégique sur le front sécuritaire.
Des soldats en treillis et en arrosoirs
Les images devenues virales de militaires burkinabè en tenue de combat, balais à la main ou arrosoir à la ceinture, résument cette reconversion troublante de l’armée en brigade d’assainissement. « On nous offre une comédie potagère », écrit Moussa, non sans sarcasme, dénonçant une “illusion patriotique” mise en scène pour détourner l’attention d’un terrain sécuritaire hors de contrôle.
Cette communication permanente, orchestrée par le gouvernement de transition, s’accompagne d’une rhétorique souverainiste croissante, où chaque critique interne est qualifiée de manipulation extérieure, et où les organisations régionales comme l’UEMOA sont érigées en boucs émissaires d’une impuissance interne.
« Le régime s’est trouvé une autre croisade : celle contre le franc CFA et l’UEMOA… On évoque fièrement une monnaie des États du Sahel, sans se demander qui garantirait sa convertibilité », souligne Samir Moussa dans sa tribune, pointant l’irréalisme économique des annonces faites depuis Ouagadougou.
Une gouvernance de l’illusion
Si le recours à la mise en scène n’est pas nouveau en période de transition, le Burkina Faso franchit aujourd’hui un seuil, celui où la communication se substitue à l’action, où les slogans recouvrent les fissures d’un État en retrait. La militarisation du discours ne s’accompagne pas de la militarisation du terrain. Les groupes armés, eux, ne relâchent pas la pression.
La récente attaque du 18 juillet à Fada N’Gourma, où des engins de chantier ont été réduits en cendres à proximité de l’université, en est une illustration glaçante. Aucun communiqué officiel n’a apporté de réponse stratégique claire à cet événement hautement symbolique. En lieu et place, le gouvernement s’est félicité, le même jour, de la pose de quelques pavés dans un quartier périphérique de la capitale.
« La diversion devient doctrine. La communication, stratégie d’État. L’illusion, pilier de gouvernance », résume Samir Moussa.
La contagion d’un modèle
Au-delà du cas burkinabè, c’est tout l’espace sahélien qui semble glisser vers une doctrine de la communication militaire. Le Mali, sous Assimi Goïta, ou encore le Niger sous l’éphémère CNSP, ont montré les signes d’un pouvoir préférant l’uniforme comme symbole d’autorité, plutôt que comme outil de reconquête républicaine. Pour Samir Moussa, ces régimes relèvent moins de la révolution que de la politique du décor, où la souveraineté est proclamée mais rarement construite.
Face à cela, la population burkinabè, toujours plus exposée à la violence et à l’insécurité, exprime une fatigue croissante. Des voix s’élèvent – discrètes, car étouffées – pour rappeler que l’État n’est pas un théâtre, et que les Burkinabè n’ont pas besoin de slogans mais de protection, de services publics, de justice.
« Le Burkina Faso ne sera pas sauvé par des brigades d’assainissement, ni par des jardins militaires. Il sera sauvé par une reconquête réelle, une stratégie claire, des chefs responsables et un État qui assume enfin ses devoirs », conclut Samir Moussa.
L’appel est clair. Reste à savoir s’il sera entendu dans les cercles du pouvoir burkinabè, plus occupés ces derniers jours à immortaliser leurs exploits pavés qu’à répondre aux assauts de l’ennemi.
Avec la contribution de la tribune “Le théâtre en treillis, quand la guerre devient un décor de communication” publiée par Samir Moussa, analyste nigérien.