Alors que Bamako continue de marteler l’unité et l’indivisibilité du Mali, les frappes de drones, les exactions contre les civils et l’activisme de supplétifs russes dans le centre et le nord du pays dessinent une réalité autrement plus fragmentée.

Par la rédaction du Méhari Post, une branche médiatique du cabinet d’expertises Méhari Consulting.
Les slogans d’unité scandés par les autorités maliennes résonnent bien loin des terres brûlées du Macina ou du désert de l’Azawad. Depuis plusieurs mois, la guerre que mène la junte contre les groupes qualifiés de « terroristes » prend des allures de représailles ethniques, laissant derrière elle des civils fauchés, des familles brisées et des villages dépeuplés.
Des drones contre les nomades

Selon les rapports du centre d’analyse stratégique fondé par Mohamed AG Ahmedou, chercheur touareg basé à Nouakchott, plusieurs frappes de drones opérées par les Forces armées maliennes (FAMa) ont visé des campements peuls et touaregs dans les régions de Mopti, Tombouctou et Gao. Officiellement, il s’agit de cibles abritant des éléments djihadistes. En réalité, nombre de ces attaques frappent des civils sans armes, sans procédure judiciaire, sans vérification.
Mardi 8 juillet, à proximité du village de Zouéra (région de Tombouctou), un drone malien aurait visé la famille d’Aljoumaate, hygiéniste et gardien du centre de santé communautaire. Trois de ses filles, toutes mineures, ont été tuées sur le coup. Leur mère, grièvement blessée, a dû être amputée des deux jambes à l’hôpital régional. « Je n’ai plus de famille », murmure M. Aljoumaate, effondré, alors que la communauté redoute qu’il ne rejoigne les rangs de la rébellion, comme d’autres avant lui, poussés dans les bras du Front de libération de l’Azawad (FLA) ou du JNIM, faute d’alternative.

La tentation de la fuite

À Essakane, commune rurale du cercle de Goundam, la peur a déjà vidé les villages. Un réfugié désormais installé en Mauritanie, joint par téléphone, raconte :
« La junte militaire malienne nous chasse de chez nous avec la terreur. Elle n’aura jamais ma commune d’Essakane sans moi. »
Comme lui, des centaines de familles ont fui vers la frontière, notamment vers Bassikounou ou Fassala, pour échapper aux bombardements et aux descentes nocturnes. Le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a noté une recrudescence de nouveaux arrivants depuis fin 2024 et début 2025, en provenance des zones de tension où la présence conjointe de FAMa et de mercenaires russes est signalée.
L’ombre russe
Les supplétifs russes, largement considérés comme affiliés au groupe Wagner, sont désormais omniprésents dans les régions dites « sensibles ». Le quotidien Libération révélait en avril dernier le massacre de 43 civils peuls dans le Gourma, près de la frontière burkinabè. Les corps, retrouvés mains liées et criblés de balles, portaient la marque d’exécutions sommaires. D’autres témoignages font état de « nettoyages communautaires » menés dans le silence des dunes.
Plusieurs articles , publiés sur la plateforme de Méhari Consulting, confirmaient par ailleurs que des opérations ciblées dans les régions de Gao, Tombouctou et Kidal visaient systématiquement des campements et des lieux où se tiennent des foires hebdomadaire comme à Adjjer en février dernier et à Zouera le 8 juillet dernier des localités à dominante touaregues et arabes soupçonnées de sympathies pour le Front de Libération de l’Azawad, FLA. Là encore, sans mandat, sans distinction entre civils et combattants.
Une stratégie contre-productive
Cette logique de punition collective, alertent plusieurs ONG dont Crisis Group, alimente les rancunes et renforce la fragmentation du pays. Dans un rapport publié en décembre 2024, l’organisation soulignait « l’usage disproportionné de la force contre des populations assimilées, à tort ou à raison, aux groupes djihadistes », avec le risque de nourrir un cycle sans fin de représailles et d’engagements armés.
Depuis la rupture officielle de l’Accord pour la paix avec l’attaque par les mercenaires russes de Wagner et leurs supplétifs Fama d’un poste de sécurité du Cadre Stratégique Permanent rebaptisé Front de Libération de l’Azawad dans la localité de Foyta debut Août 2023 et les premiers affrontements entre le CSP-PSD du 11 au 14 Août 2023 entre les localités de Ber et Tombouctou jusqu’à aujourd’hui. Il semble que les territoires de l’Azawad échappent de plus en plus au contrôle de Bamako. Des bastions sont désormais tenus par le FLA ou par des factions proches d’Al-Qaïda et l’État Islamique au Grand Sahara (EIGS) dont cette dernière détient les 3/4 de la région de Menaka et 2/4 de la région de Gao avec un QG fixe installé dans la ville d’Anderboukane depuis le mois de Mai 2022 où cette nébuleuse organisation terroriste dite EIGS a fait capitulé l’armée malienne et ses milices touaregues du GATIA et MSA-D. Dans ce contexte, l’affirmation de l’indivisibilité de l’État malien ressemble à une chimère.
« Ce mot d’indivisibilité ne correspond plus à rien sur le terrain », tranche Mohamed AG Ahmedou. « C’est une rhétorique de façade. En réalité, l’État applique une stratégie d’écrasement qui exclut certaines communautés de la nation. Et ce sont elles qui paient le prix fort. »
Vers l’implosion ?
Alors que la junte continue d’investir massivement dans l’armement, au détriment du dialogue politique, les fractures identitaires et territoriales s’approfondissent. La paix semble plus lointaine que jamais. Et le rêve d’un Mali uni, plus que jamais mis à l’épreuve.