Paroles d’intervenants : regards croisés sur un Sahel fracturé( débat sur IFRIKYA FM).

Le Sahel central, cette vaste région qui englobe le Mali, le Niger et le Burkina Faso, est de nouveau sous le feu des projecteurs, non pas pour ses richesses culturelles ou ses opportunités économiques, mais pour une tragédie qui ne cesse de s’aggraver : la recrudescence alarmante des actes de terrorisme.

Des attaques meurtrières, comme celle qui a coûté la vie à dix soldats nigériens ce 4 juillet, se multiplient, laissant derrière elles des familles endeuillées et des populations terrorisées. Malgré les changements de régime, les promesses de sécurité faites par les nouvelles autorités, et le soutien de nouveaux partenaires internationaux, la situation semble empirer.

🔸Comment expliquer cette spirale de violence ? 

🔸Est-ce le signe d’une faillite des stratégies anti-terroristes ? 

🔸Un vide sécuritaire que les pouvoirs locaux n’arrivent pas à combler et que les groupes terroristes exploitent ? 

🔸Et quel est le lien entre cette insécurité grandissante et la dérive autoritaire observée dans ces pays ?

C’est autour de ces questions qu’ont débattus lors de l’émission « Grand Angle » sous la houlette de Zine Charfaoui rédacteur en chef de la radio panafricaine Ifrikya fm ce mardi 8 juillet les intervenants suivants :

🔸Mokrane Aït-Ouarabi, journaliste spécialiste des questions de sécurité en Afrique.

🔸Ahmed Kateb. Chercheur en sciences politiques et ancien directeur de Canal Algérie 

🔸Ahmed Bensaada, analyste politique et auteur de plusieurs ouvrages.

🔸Et Mohamed Ag Ahmedou, journaliste, acteur de la société civile des régions du nord du Mali et activiste politique malien.

Mohamed Ag Ahmedou : « On veut pacifier le Nord par la force, mais on oublie les racines du conflit. »

Le journaliste et activiste malien dénonce l’oubli des accords d’Alger et la marginalisation persistante des populations du Nord. « La militarisation actuelle, avec les groupes Wagner et la désintégration du processus de paix, pousse des jeunes vers les armes. On réprime, on diabolise les communautés touarègues ou arabes, et on appelle ça lutte contre le terrorisme. »

Il appelle à une relance politique du dialogue intercommunautaire : « Tant qu’on n’écoute pas ceux qui vivent cette guerre au quotidien, la paix sera un mirage. »

Mokrane Aït-Ouarabi : « Les terroristes prospèrent là où l’État est absent. »

Ce spécialiste de la sécurité en Afrique met en lumière la faillite des États dans la gouvernance locale : « La sécurité ne peut être assurée uniquement par les armes. Les djihadistes imposent un ordre, une justice, parfois cruelle, mais qui fonctionne mieux que l’absence de toute institution. »

Ahmed Kateb : « L’autoritarisme est un réflexe d’impuissance. »

L’ancien directeur de Canal Algérie souligne le paradoxe des juntes : « Elles arrivent au pouvoir en promettant la sécurité, mais elles censurent la presse, ferment les espaces de débat, et utilisent les VDP (Volontaires pour la Défense de la Patrie) comme milices. Ce n’est pas un modèle de stabilité, c’est un cycle de répression. »

Ahmed Bensaada : « Le terrorisme au Sahel est devenu transnational et technologique. »

L’analyste politique évoque l’évolution des méthodes : « On assiste à une professionnalisation des attaques : usage de drones FPV, coordination multi-fronts, armes sophistiquées. Ce n’est plus une insurrection locale, c’est une guerre hybride. »

Il alerte aussi sur le rôle trouble d’acteurs extérieurs : « L’ingérence étrangère, qu’elle vienne de Paris, de Moscou ou d’Abu Dhabi, ne fait qu’alimenter le chaos. »

Zine Charfaoui, modérateur : « La paix ne viendra pas sans justice, ni sans vérité. »

Le rédacteur en chef d’Ifrikya FM clôt le débat sur une note lucide : « On ne peut pas traiter le terrorisme comme une épidémie dont on guérit par des coups d’État. Il faut rendre leur voix aux citoyens, reconstruire les institutions, et surtout écouter les douleurs des marges. »

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