
Dans le tumulte géopolitique qui secoue le Sahel, les récits dominants tendent à écraser les voix périphériques, en particulier celles des Touaregs et des Arabes du Mali. Une vidéo récemment diffusée sur les réseaux sociaux vient perturber ce silence, en exposant de manière frontale l’exclusion historique dont ces communautés sahariennes se disent victimes depuis l’indépendance. Ce témoignage, à la fois poignant et politique, mérite d’être entendu, tant il met en lumière une vérité dérangeante, souvent tue dans le débat national.
Depuis 1960, la construction de l’État malien s’est faite sans voire contre une large partie du Nord. Les rebellions successives ont été réduites à des “troubles sécuritaires”, les revendications identitaires, dépeintes comme des velléités séparatistes, voire assimilées à du terrorisme. Cette lecture, commode pour l’État central, a contribué à délégitimer toute tentative d’expression politique venant des régions sahariennes.

Pourtant, les Touaregs et les Arabes ne sont pas des corps étrangers à la nation malienne. Ils en sont les héritiers légitimes. Le message véhiculé dans cette vidéo le rappelle avec clarté : réclamer justice, représentativité, développement ou reconnaissance culturelle ne relève ni du radicalisme, ni de la trahison. Ce sont les fondements d’une citoyenneté complète, aujourd’hui inachevée.
L’un des grands torts des autorités successives a été d’ignorer la complexité historique, sociale et identitaire du Mali. Ce déni a produit un sentiment d’abandon, et parfois de révolte. Il a aussi créé un terreau favorable à des groupes armés qui exploitent le vide laissé par l’État. Confondre les aspirations légitimes des communautés avec l’agenda djihadiste est non seulement une erreur stratégique, mais une injustice historique.
La réconciliation au Mali ne peut passer que par une remise à plat du récit national. Il ne s’agit pas d’opposer le Nord au Sud, ni de rouvrir des blessures, mais de reconnaître la diversité comme un fait constitutif du pays. Le vivre-ensemble ne peut se décréter ; il se construit dans la vérité, la mémoire partagée, et l’inclusion effective de toutes les voix.
Si l’État malien souhaite tourner la page des conflits, il devra d’abord en lire toutes les lignes – y compris celles qu’il a longtemps refusé d’écrire.