Mali : le prix du silence et le sang versé

De retour de Moscou, le président de la transition malienne a reçu dans la plus grande discrétion le général de division Alhaji Ag Gamou, figure militaire controversée du nord, ainsi que son mentor politique Alhamdou Ag Ilyène non moins le ministre de la communication de la junte militaire malienne. Au cœur de cette rencontre tenue à huis clos : la consolidation d’une alliance aussi stratégique que sulfureuse, dans un contexte où les exactions commises par les forces maliennes et leurs alliés russes dans la région de Kidal provoquent une onde de choc.

Une fidélité bien récompensée

Selon plusieurs sources proches du pouvoir, le président aurait publiquement salué la « loyauté » du général Ag Gamou envers l’État malien. Mais derrière les remerciements officiels, une réalité bien plus trouble se dessine : le silence du général face aux crimes imputés aux Forces armées maliennes (FAMa) et aux paramilitaires russes du groupe Wagner, rebaptisés Africa Corps, notamment à Kidal, Tessit et Tin-Essako.

En contrepartie, une enveloppe de 600 millions de francs CFA aurait été remise au général, officiellement pour soutenir les familles victimes. Une justification qui peine à convaincre, alors que des témoignages font état d’un climat de terreur et de représailles collectives visant les populations civiles, en particulier les Imghad, dont Ag Gamou est issu.

Les massacres de l’ombre

Le 25 juin 2025, une patrouille conjointe FAMa-Wagner s’est rendue à Ounder, dans la vallée d’Eghachar Sadidane, à 18 km au nord de Kidal. Là, sept civils ont été exécutés sommairement, dont un enfant de huit ans. Les corps ont été calcinés, piégés, ou jetés dans des puits. Plus d’une dizaine de personnes enlevées ce jour-là restent introuvables.

Parmi les victimes figurent Ahmad Ag Adass, chef de la fraction Ifarkassane, ainsi que plusieurs membres notables de la communauté imghad.

Cinq jours plus tard, le 30 juin, près d’Imboguitane (Anefif), un autre convoi a ouvert le feu sur un campement nomade. Trois enfants ont été grièvement blessés, plusieurs adultes ont été battus, deux motos incendiées. Le campement a reçu l’ordre de quitter les lieux, sous menace de représailles.

Et ces violences ne sont pas isolées. Depuis octobre 2023, une litanie macabre s’allonge : d’Amassine à Tinzaoutène, de Tabankort à Abeïbara, des dizaines de villages et campements touaregs, arabes et harratines ont été ciblés, souvent sans distinction. Des listes de noms circulent, funèbres inventaires d’une guerre devenue invisible. Les enfants, les anciens, les malades n’ont pas été épargnés.

Le général Ag Gamou sur la sellette

Longtemps considéré comme un pilier de la présence de l’État dans le Nord, Ag Gamou voit aujourd’hui son influence s’effriter. Ses appels à la mobilisation des Imghad peinent à masquer l’amertume d’une partie de sa communauté, qui l’accuse d’avoir sacrifié l’unité touarègue sur l’autel d’un pouvoir central qui ne les protège plus.

« Il a fait le choix du silence, pendant que les nôtres sont massacrés », souffle un militant de la société civile à Kidal.

Ni cercle, ni région administrative, ni reconnaissance concrète n’ont été accordés aux Imghad en retour de leur engagement militaire aux côtés de l’État. Au contraire, ils paient aujourd’hui le prix fort de cette allégeance.

Un Nord en ruines, un État dans le déni

Alors que le nombre de civils tués dans les régions de Gao, Tombouctou, Taoudéni, Kidal et le Mémé dépasse désormais les 2000 morts selon des recoupements de terrain, le silence des autorités est assourdissant. Wagner – ou Africa Corps – continue d’opérer en toute impunité, avec la bénédiction tacite d’un État qui s’enfonce dans une logique de guerre totale.

Les communautés Touaregues et arabes sont confrontées à plusieurs formes de stigmatisations raciales de la part de la junte militaire malienne des cinq colonels putshistes. En plus de l’isolement, du rejet dont sont victimes les communautés du nord du Mali, elles se trouvent confrontées à deux types de génocides, celui des épurations ethniques et celui contre la mémoire des communautés Touaregues et arabes qui consiste à la disparition dans les archives nationales du Mali des traces des dossiers des Touaregs et arabes qui ont servi dans les rangs des armées de l’administration malienne, comme pour dire que ces communautés n’ont jamais existés et aussi pour dire qu’elles n’ont jamais rien apporté au Mali. Cette tragédie devrait servir de leçon à tous les leaders touaregs et arabes qui servent la junte militaire malienne une fois que ces cinq colonels putshistes n’auront plus besoin d’eux pour blanchir leurs actes atroces.

L’Azawad, territoire contesté et déchiré, semble aujourd’hui livré à la loi du plus fort. Mais une question demeure : jusqu’à quand les communautés du Nord accepteront-elles de voir leurs enfants enterrés, sans justice, sans mémoire, et sans avenir ?

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