Une tribune écrite par Koffi Dovene.
Dans sa récente sortie, le Premier ministre de la Transition militaire malienne, Docteur Choguel Kokalla Maïga, a dénoncé de nombreuses choses, exposant sa vision de la réalité du pouvoir. Il a affirmé n’avoir été qu’un simple épouvantail, utilisé pour donner un contenu idéologique et servir de porte-voix à la Transition. Cependant, en revisitant son parcours, on se souvient que le Dr. Choguel Kokalla Maïga était, avant sa nomination au poste de Premier ministre, l’un des critiques les plus virulents de cette même Transition. Il avait toujours soutenu que le rôle des militaires devait se limiter à la protection et à la défense de l’intégrité du territoire en cas d’attaque.
Pourtant, après sa nomination, il semble avoir changé de position, devenant l’une des figures les plus éminentes pour défendre l’idée que les militaires doivent prendre le pouvoir et diriger les États. À travers des discours souvent perçus comme populistes et incohérents, il a tenté de justifier la prise de pouvoir militaire au Mali.
Une question importante se pose alors : s’agit-il d’opportunisme ? En effet, le Dr. Choguel Kokalla Maïga a toujours cherché à devenir président du Mali, mais a constamment échoué dans les urnes, rejeté par un peuple qui n’a jamais voulu lui accorder sa confiance. Lorsqu’il a accepté la proposition des militaires de devenir Premier ministre, il a trahi ses anciens compagnons politiques, en envoyant certains en prison et en contraignant d’autres à l’exil.
Aujourd’hui, son récent discours soulève des interrogations. On a l’impression que son agenda caché est désormais dévoilé. Sentant une menace sur ses ambitions, il semble réaliser que les militaires ne le considèrent plus comme leur dauphin légitime pour accéder au pouvoir. Au contraire, tout indique qu’ils envisagent de se faire élire eux-mêmes comme dirigeants civils du Mali.
Cela place le projet présidentiel du Dr. Choguel Kokalla Maïga dans une impasse. Après deux ans de silence, il se met soudainement à critiquer la Transition. Est-ce une posture opportuniste ? En tant que démocrate autoproclamé, lui qui a passé toute sa vie dans l’opposition à exiger une gouvernance exemplaire, il s’est pourtant allié aux militaires, qu’il désavoue aujourd’hui uniquement parce que son plan d’accéder à la présidence semble compromis.
Si nous prenons un exemple similaire au Niger, nous constatons également la présence d’acteurs politiques qui prétendent défendre la démocratie tout en cherchant à la torpiller. Sous couvert de valeurs démocratiques, ces individus s’opposent à tout projet démocratique véritable et ne permettent pas son épanouissement.
En parlant de ces opportunistes qui ont constamment torpillé la démocratie, nous gardons en mémoire des acteurs tels que M. Maikoul Zodi. Déjà, en 2008-2009, il avait soutenu le projet de prolongation de trois ans voulu par le Président Mamadou Tandja, notamment à travers le fameux projet de Tazartché. Ces individus ont été les bras civils de cette initiative, assumant le courage d’animer plusieurs débats et d’organiser des manifestations de rue pour appuyer le Président Tandja dans sa volonté de violer la Constitution. Cette dernière lui avait pourtant permis de faire deux mandats constitutionnels. Après ces deux mandats, il a cherché à s’éterniser au pouvoir via un référendum. Des individus comme M. Maikoul Zodi, que nous avons toujours dénoncés, ont soutenu, contre toute légitimité, ce projet qui s’est finalement conclu par le coup d’État de Salou Djibo.
Après le 26 juillet, nous avons constaté la recrudescence des activités de ces mêmes individus, qui sont revenus à la charge pour soutenir, contre toute logique démocratique, le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP). Ces personnes, qui se prétendent défenseurs de la démocratie, promoteurs des droits humains et acteurs de l’État de droit, ont, en réalité, toujours démontré leur duplicité. Leur véritable objectif n’est pas la défense des droits de l’homme, mais la recherche d’intérêts personnels et de profits matériels.
Pour étayer nos propos, la récente décision du conseil d’administration de l’organisation Tournons la Page de sanctionner M. Maikoul Zodi pour ses activités subversives et nuisibles, notamment son soutien au régime militaire en place au Niger, vient conforter notre position. Cette décision renforce l’idée qu’il ne s’agit là que de petits opportunistes sans réel engagement pour la démocratie.
En réalité, l’organisation Tournons la Page, dans ses motivations à suspendre M. Maikoul Zodi, a clairement indiqué qu’elle milite en faveur de la démocratie et du respect de l’État de droit dans le monde. Son travail consiste à s’assurer que tous ses chapitres, y compris les chapitres nationaux, soutiennent l’émergence de la démocratie et le respect de l’État de droit, en particulier en Afrique. Le Niger n’échappe pas à cette exigence, et le chapitre Tournons la Page du Niger ne peut déroger à cette règle.
Or, il est constaté que M. Maikoul Zodi, représentant de ce chapitre au Niger, a soutenu activement la transition militaire en place depuis le 26 juillet. Face à cette situation, la coordination internationale de Tournons la Page lui a rappelé à l’ordre, lui précisant clairement :
> « Monsieur, vous avez le choix : soit vous soutenez la démocratie et mettez fin à vos actions favorables au régime militaire pour rester au sein de notre organisation, soit vous poursuivez dans cette voie, contraire à nos principes, et nous prendrons les mesures disciplinaires appropriées. »
Malgré cet avertissement, M. Zodi a persisté dans son soutien aux militaires. Il devait choisir entre rester à la tête du chapitre Tournons la Page au Niger, bénéficiant des financements et subventions venant notamment de France, ou s’émanciper complètement pour soutenir pleinement les militaires.
En conséquence, le Conseil d’administration de Tournons la Page a décidé de lui appliquer les sanctions nécessaires, conformément aux principes et à la vision de l’organisation, qui sont en totale opposition avec tout soutien à ceux qui sapent la démocratie et l’État de droit.
Des acteurs politiques de l’opposition, à l’instar de Monsieur Bana Ibrahim, qui s’est distingué par son incapacité à se faire élire à l’organe dirigeant de la jeunesse de son parti, ont, avec une subtile manipulation, condamné la prétendue prise de pouvoir du 26 juillet. Cependant, leur condamnation n’était pas motivée par des principes solides, mais par des rumeurs, sans disposer de tous les éléments d’information sur la véracité des faits. Une fois la situation confirmée, cet homme, plutôt que de conserver son rôle de politicien, a abandonné sa posture pour se redéfinir comme un nouveau porte-parole de la société civile, adaptant ses discours aux intérêts des putschistes. Ce revirement semble avoir pour objectif de promouvoir des idées contraires aux libertés individuelles et collectives, tout en cherchant à redorer son image et à améliorer sa position publique
Par ailleurs, sur l’espace public aujourd’hui, le CRR-DA semble être, au Niger, la seule organisation qui exige un retour à l’ordre démocratique. Elle réclame la tenue d’élections dans les plus brefs délais et dans des conditions optimales, afin que le pouvoir puisse revenir aux civils et que les militaires retournent dans leurs casernes pour se consacrer à ce qu’ils savent faire de mieux : protéger et défendre le territoire contre toute agression.
C’est pourquoi le CRR-DA fait l’objet de nombreuses attaques, y compris de la part de ceux qui sont censés protéger et défendre la démocratie. Sinon, comment comprendre que des acteurs se revendiquant comme défenseurs de la démocratie critiquent le CRR-DA dans sa volonté d’exiger un retour à l’ordre démocratique et de clarifier les contours de la transition ? Plusieurs figures connues de l’opposition politique, qui s’étaient toujours opposées au régime du PNDS, se sont rapidement reconverties en acteurs de la société civile après le coup d’État et la suspension des activités des partis politiques. Cependant, il apparaît clairement qu’ils n’agissent pas en tant que membres neutres de la société civile, mais plutôt en tant qu’opposants politiques profitant de l’éviction de leur adversaire par les militaires. Ces derniers semblent avoir établi une connivence avec ces acteurs, révélant aujourd’hui leur appétit insatiable et indéterminé pour le pouvoir.
Comme si cela ne suffisait pas, samedi dernier, certains acteurs, prétendument promoteurs de la démocratie, ont organisé une manifestation pour demander aux militaires putschistes de différer indéfiniment la tenue d’élections et le retour à un ordre démocratique. Ils ont également exigé une transition rapide, sans toutefois proposer un chronogramme clair ni une feuille de route définie. Il est important de souligner qu’à ce jour, personne ne connaît le calendrier ou les grandes lignes de la transition nigérienne. Le CNSP semble naviguer à vue, sans fournir de détails concrets sur les actions entreprises, ni sur la durée qu’il prévoit pour instaurer une gouvernance stable et efficace au Niger.
Par ailleurs, le climat actuel est marqué par des intimidations et des brimades quotidiennes. Cependant, une lueur d’espoir commence à émerger.
La lueur d’espoir, c’est le Conseil de Résistance Républicaine pour un Renouveau Démocratique (CRR-DA), une organisation regroupant des défenseurs des droits humains et de la démocratie. Cette structure s’est constituée pour exiger le retour à l’ordre démocratique au Niger et, de manière plus générale, dans la région du Sahel.
Le CRR-DA rassemble plus d’une vingtaine de structures originaires du Niger, du Mali et du Burkina Faso. Cependant, cette exigence de retour à la démocratie ne se veut pas aveugle. Le CRRDA reconnaît et entend les critiques formulées à l’encontre de la démocratie actuelle. Il s’engage non seulement à réclamer un retour à l’ordre constitutionnel, mais aussi à repenser la démocratie elle-même.
Le CRRDA ne prône pas un simple retour à l’ordre démocratique tel qu’il existait auparavant. Il propose une réflexion approfondie sur le modèle démocratique à adopter. L’objectif n’est pas de reproduire à la lettre ceux qui se fait sous d’autres cieux .
Koffi Dovene, Juriste /défenseur des droits humains., Secrétariat général du Cadre d’Action pour la Démocratie et les Droit de l’Homme (CADDRH) , Membre du CRR-DA, Chercheur sur les dynamiques sociales et les questions d’extrémisme et la criminalité transfrontalière organisée.